Nanochromis dimidiatus "Lesias", mâle - Photo de Anton Lamboj.


Introduction

Depuis de nombreuses années, les cichlidés nains sont des poissons très appéciés par beaucoup d'aquariophiles car ils offrent tous le aspects intéressants que l'on retrouve fondamentalment chez tous les Cichlidés, comme par exemple un mode de comporte ment reproductif fascinant et très spécialisé.

D'autre part, ils sont plus agréables à maintenir que beaucoup d'autres Cichlidés du fait qu'ils tolèrent les plantes et ne molestent pas les autres cohabitants du bac. Les espèces sud-américaines sont assez bien répandues, alors que celles de l'Afrique de l'Ouest ou centrale sont par contre beaucoup moins communes, même s'il existe quelques noms bien connus comme par exemple Pelvicachromis taeniatus ou Nanochromis dimidiatus. Je voudrais ici vous présenter la seconde espèce avec plus de précision.



Connu de longue date

Beaucoup d'articles, presque des mythes, sont liés à ce petit cichlidé qui a été décrit à l'origine sous Pelmatochromis dimidiatus par J. Pellegrin en 1900. L'espèce est originaire de la République Centrafricaine où se trouve aussi sa localité type, de la République Populaire du Congo, ainsi que de la République Démocratique du Congo (L'ex. Zaïre).

Dans les années 60 du siècle précédent, c'est à l'exportateur bien connu Pierre Brichard que nous sommes redevables si cette espèce très attrayante de couleur brun rouge à rouge a été importée et déterminée sous Nanochromis dimidiatus pour notre hobby. L'éclat des couleurs de ce poisson impressionnait, surtout pendant les soins à la ponte ou aux alevins et lors de périodes d'agressivité ; de plus, les femelles possédaient une petite tache argentée dans la région génitale.

L'espèce a pu se maintenir quelques années dans les aquariums, puis elle disparut assez rapidement à nouveau et devait rester durant plusieurs années un rêve pour beaucoup de passionés mais ce rêve restait irréalisable. De plus en plus de poissons étaient importés du Congo, mais cette espèce n'était jamais avec. Par la suite, dans les années 80, l'aquariophile et collecteur bien connu, Heiko Bleher, commença ses collectes dans diverses régions du Congo comme par exemple autour des villes de Kinshasa ou de Kisangani. Apparemment, il a été le premier, après de nombreuses années, à retrouver et rapporter pour notre hobby des petits cichlidés rouges des régions du Congo.



Qui est qui ?

Chaque nouvelle espèce, chaque nouvelle forme était tout d'abord considérée comme "enfin le vrai N. dimidiatus". Mais réellement, personne n'en était vraiment certain et il est probable qu'aucun n'en était vraiment. L'une de ces espèces a tout d'abord été nommée Nanochromis sp. "Kisangani" ou "à tache argentée". L'aquariophile et importateur R. Numrich a par la suite découvert que cette espèce était en fait N. squamiceps (ce que je puis confirmer après toutes les recherches que j'ai effectuées). Une autre espèce a été nommée N. sp. "Genema", et ce cichlidé appartient probablement à une population de N. sabinae. Une troisième espèce nous est venue du fleuve Congo, des environs de Kinshasa et nommée N. sp. "Zaire". Avant cette dernière espèce, diverses formes chromatiques étaient connues, certaines plus grises, d'autres plus jaunes ou avec quelques parties rouges, surtout sur la tête et la nageoire dorsale. Cette espèce était occasionnellement nommée "peut être N. minor" mais ne l'était pas selon toute vraisemblance. Pour être honnête, personne n'était vraiment sûr de ce qu'était cette troisième espèce, peut-être une espèce non décrite ?


Nanochromis dimidiatus "Lesias", couple avec les alevins - Photo de Anton Lamboj.


Nanochromis dimidiatus "Lesias", femelle - Photo de Anton Lamboj.


Peu ou pas de rouge !

Enfin au début des années 90, l'aquariophile allemand Wolfgang Harz, qui avait certainement plus d'intérêt pour les killies, entreprit de collecter en République Centrafricaine dans la région de Bangui, ce qui signifie qu'il collectait dans la localité type de N. dimidiatus. Il réussit à attraper un petit cichlidé qu'il désigna tout d'abord sous le nom de N. sp. "Kapou", mais il s'est avéré que cette espèce avait toutes les caractéristiques anatomiques et morphologiques du Nanochromis dimidiatus. Il ne subsiste donc plus de doute qu'il s'agissait là enfin du véritable N. dimidiatus.

Mais quelle déception pour tous ceux qui imaginaient sous ce nom un joli poisson fortement teinté de rouge ! Ce Nanochromis n'avait pas beaucoup de rouge, il était plutôt gris, avec un corps élancé, seules les femelles matures avaient un peu de rouge ou de jaune sur le ventre. Mais à part cela, ce cichlidé ressemblait exactement à Nanochromis sp. "Zaire" qui avait été importé quelques années auparavant ! En supposant qu'il s'agissait ici réellement de la même espèce, il en résulte, pour cette petite espèce, une répartition remarquablement étendu allant de la région nord du bassin du Congo jusqu'au Sud dans la région au sud est de Kinshasa. Toute une série d'anciennes espèces non déterminées ou de populations est maintenant à compter dans N. dimidiatus, comme par exemple N. sp. "Zaire", N. sp. "Zaire rouge", N. sp. "Wienzi", N. sp. "Bandudu", N. sp. "Lesias". Mais avant tout, il faut maintenant enterrer ces fables qui stipulent que Nanochromis dimidiatus est un cichlidé rouge éclatant.



N. sabinae

Entre-temps, les collectes de R. Sawatzky en République Populaire du Congo, dans les environs de la ville de Makoua, renfermaient des cichlidés qu'il nous a rapportés et qui étaient identiques à ceux que P. Brichard avait collectés auparavant. Cela confirme définitivement que les cichlidés de Pierre Brichard appartenaient à une espèce nouvelle non décrite, Les cichlidés de Sawatzky ont été tout d'abord nommés Nanochromis sp. "Makoua" puis ils ont été décrits sous N. sabinae. N. sp. "Genema", un ancien nom, fait aussi partie de cette espèce. N. sabinae est originaire de la République Populaire du Congo et du Gabon et fait certainement partie des plus beaux cichlidés nains. Ainsi, cette espèce a une répartitionen partie identique à celle de N. dimidiatus. Mais une confusion avec N. dimidiatus n'est pas possible du fait que ces deux espèces se différencient fortment par la coloration, de plus N. sabinae est essentiellement plus arrondi de la tête.



Des espèces nouvelles

D'autres espèces appartenant au genre Nanochromis nous sont parvenues ces dernières années mais sont toutefois en partie identiques et en partie différentes des cichlidés de P. Brichard comme par exemple N. sp. "Green Speckle" de la région du Kasaï et collecté par U. Schliewen. Je ne voudrais pas m'appesantir sur le thème des "espèces non décrites ou inconnues de la région congolaise" mais une chose est sûre : lorsque je me penche sur les différentes collections des musées, nous pouvons nous attendre à un grand nombre d'espèces nouvelles.



Nanochromis dimidiatus de plus près.

Ce cichlidé nain atteint en aquarium une taille maximale de 7cm pour le mâle. Les femelles restent plus petites d'environ 2cm. C'est donc l'une des plus petites espèces du genre. Le corps est elancé avec une nageoire caudale arrondie chez les deux sexes. Chez la femelle, les rayons mous des nageoires dorsale, anale et ventrales, sont moins prolongés que chez le mâle. Les nageoires ventrales de la femelle ont toujours une apparence quelque peu plus arrondie, celles du mâle sont, par contre, nettement plus pointues.

Comme je l'ai déjà fait remarquer plus haut, la couleur corporelle est le plus souvent grise, toutefois certaines populations, voire même certains individus, peuvent montrer des tons rougeâtres ou jaunâtres sur le corps et/ou sur les nageoires. Selon l'humeur, deux bandes longitudinales sombres sont parfois visibles sur le corps, surtout chez les individus dominés mais aussi pendant la garde parentale, mais, dans ce cas, les bandes sont parfois constituées de rangées de grands points. La femelle présente une bande argentée bien nette dans la nageoire dorsale alors que chez le mâle, elle est soit absente, soit très étroite. Les femelles matures ont un ventre jaunâtre à orangé. Dans la partie molle des nageoires dorsale, anale ainsi que dans la caudale des mâles, une paire de rangées de points sombres est normalement visible.



50 litres suffisent !

Un grand aquarium n'est pas nécessaire pour élever cette espèce. Une contenance de 50 litres sera déjà suffisante pour maintenir un couple et y observer la reproduction, mais un bac plus grand est recommandé. Comme substrat, j'utilise toujours une fine couche de sable fin. Avant de dépôt des oeufs, les poissons aiment à creuser un peu autour et dans une cavité où s'effectuera la ponte. Ce faisant, ils ne dérangent aucune plante, ni ne les déterrent. C'est pourquoi leur maintenance est sans problème dans un bac bien planté. Je recommande particulièrement les espèces du genre Anubias (de plus, elles sont originaires d'Afrique), mais aussi par exemple des Cryptocorynes qui sont parfaitmeent adaptées. Naturellement, quelques racines ou quelques pierres offriront suffisamment de refuges et de caches aux poissons. Une bonne filtration et un généreux changement d'eau toutes les deux à quatre semaines sont de rigueur. L'eau devra être douce et neutre à légèrement acide pour la reproduction : 50 à 100 µS/cm et un pH tout juste sous 7.0. La température est réglée entre 23 et 25 °C, pas plus.



Une alimentation simple.

De la nourriture vivante, comme par exemple des nauplii d'artémias fraîchement éclos ou de petits cyclopes, est recommandée, mais l'espèce accepte aussi facilement des paillettes ou des granulés. Je distribue régulièrement des paillettes à la spiruline. Il est opportun de faire jeûner les poissons une à deux journées par semaine, période durant laquelle les poissons recherchent plus intensément des algues ou de la nourriture dans le substrat ou entre les plantes et ainsi consomment des micro-organismes qui sont toujours présents dans un aquarium bien équilibré - ce que je considère absolument utile pour leur santé. En général, il n'y a pas de remarque particulière pour cette espèce.


Nanochromis dimidiatus "Zaire Red", Couple - Photo de Anton Lamboj.


La femelle fait des avances !

Normalement, le mâle sera le premier à constituer et occuper un territoire dans lequel la femelle sera plus ou moins bien acceptée tant qu'elle n'est pas gravide. Beaucoup de refuges sont à ce moment-là nécessaires. Lorsque la femelle est gravide, cela se remarque à son ventre très arrondi et enflé de couleur jaune à orange. Dans cet état, de plus en plus fréquemment, elle s'approche du mâle et débute les premières postures de pariade : Le corps est courbé et prend une forme en U ou en S où la partie externe de la courbure est toujours dirigée vers le mâle pour qu'il puisse ainsi remarquer le ventre coloré. Au début, l'agressivité du mâle prend encore le dessus, mais de plus en plus, par la progression des postures de pariade de la femelle, il finit par l'accepter et répond également pas des postures de pariade en lieu et place des comportements agressifs. Après quelques jours, la formation de couple est souvent achevée. Les deux partenaires nagent ensemble et défendent leur territoire contre les autres poissons sans pour autant les malmener sérieusement. Comme cohabitants, je ne recommande pas personnellement de petits kiliies ou des Labyrinthidés commes les Betta ou les Trichopsis sp.

C'est pendant la pariade que le couple montre ses plus belles couleurs... lorsqu'elles existent. Il y a bien des différences déjà citées plus haut. A mon avis, une des plus belles formes chromatiques existantes est N. dimidiatus "Zaire red".

Lorsque le couple est stabilisé, la femelle va s'affairer à trouver un site de ponte adapté. Nanochromis dimidiatus est un pondeur sur substrat caché (cavité) comme toutes les autres espèces du genre. C'est pourquoi il faut absolument offrir cette possibilité dans le bac. Selon mes observations, il ne doit pas s'agir obligatoirement d'une vraie cavité comme un pot de fleurs ou une coquille de noix de coco. Une plantation dense d'espèces à larges feuilles (exemple Anubias) est suffisante ou une couche plus épaisse de feuilles mortes sur le sol permettent d'y déposer les oeufs, mais toujours sur le côté inférieur des feuilles.



C'est la femelle qui travaille.

Le site exact de la ponte est toujours bien nettoyé par les parents, mais la femelle prend la part la plus active du travail. Puis les oeufs sont déposés. Leur nombre n'est pas très élevé, souvent autour de 50 ; très rarement et uniquement chez des individus de grande taille et particulièrement bien nourris, ce nombre atteint parfois la centaine d'oeufs. Après la ponte, c'est surtout la femelle qui s'occupe des oeufs et ensuite, trois jours plus tard, des larves alors que le mâle s'occupe de la défense de l'ensemble du territoire. Le stade larvaire dure de cinq à six jours, cette durée dépend de la température. A la nage libre des alevins, ceux-ci sont gardés et guidés par les parents.



Ils deviennent encore plus ternes.

Dès que la ponte est terminée, la robe des parents se ternit, les couleurs disparaissent très fortement même chez les spécimens initialement bien colorés et sont remplacées par une couleur grise à gris brun. Maintenant, les bandes sombres sont nettement visibles et peuvent se diviser en deux rangées de points. Cette robe de garde parentale apparaît généralement chez les deux sexes, plus particulièrement lorsque les parents sont près des alevins, cependant ces bandes sont plus nettes, portées plus souvent et plus longtemps par la femelle. Ces cichlidés sont nettement plus farouches et solitaires que d'habitude lorsqu'ils guident les alevins - leur existence doit rester secrète au début. Les premiers jours, les alevins sont petits mais ils pourront manger immédiatement des nauplii d'artémias fraîchement éclos.

Selon mon point de vue, un aquarium bien "rodé" avec une plantation dense et avec un peu de mulm dans les coins est encore ce qui convient le mieux. Les alevins y trouvent toujours quelques micro-organismes et des algues qu'ils peuvent consommer, qe qui est un bon enrichissement naturel du menu. La robe des alevins durant ces premières semaines de vie est un patron discret de taches irrégulières sombres et claires qui les camoufle parfaitement, surtout lorsqu'ils restent immobiles sur le substrat. C'est souvent le cas lorsque aucun parent ne se trouve directement au-dessus d'eux.


Nanochromis dimidiatus "Kapou", femelles - Photo de Anton Lamboj.


Ce ne sont pas des brutes bestiales.

Comme cela est connu chez d'autres cichlidés, notamment de genres proches comme Pelvicachromis, les parents gardent et guident avec efficacité les alevins à l'aide de divers signaux (par exemple avec des mouvements saccadés de la tête et/ou des nageoires ventrales). Nanochromis dimidiatus est certes une petite espèce mais, si nécessaire, les parents défendent leurs alevins avec bravoure et intensité même contre des poissons de taille beaucoup plus grande. Mais il faut que cela soit dit : ce ne sont pas de petites "brutes bestiales" qui tuent ou blessent les autres poissons. Ils sont déjà contents de pouvoir tenir à distance les prédateurs ptentiels de la ponte.

Les alevins sont guidés vers la nourriture, vers les refuges et les lieux de repos. En un mot, une parfaite vie de famille qui dure normalement six à sept semaines environ. A ce moment, les jeunes ont une taille d'environ quinze mm et commencent à prendre une robe similaire aux adultes et s'en éloignent pour créer leur propre territoire. Le moment est venu de transférer les alevins dans un autre aquarium car les parents montrent les premiers signes d'agressivité contre leur progéniture. La plupart du temps, si les conditions d'ensemble sont suffisamment bonnes, les parents commencent à préparer la ponte suivant. N. dimidiatus peut être très productif même si les pontes ne sont pas énormes. Cependant je conseille de ne pas leur laisser faire plus de deux à trois pontes par couple, afin de préserver les parents dans de bonnes conditions.

Les poissons ne doivent pas être trop sollicités, surtout la femelle pour laquelle la production d'oeufs est une charge et une grande dépense d'énergie et qui, par la suite, peut se traduire par une réduction de son espérance de vie. Mais je veille surtout à offrir à mes poissons une longue vie. En outre et de toute façon il est souvent difficile de distribuer les poissons en grand nombre surtout les cichlidés, même s'ils sont de petite taille.



Texte et photos : Anton Lamboj ( Die Cichliden des westlichen Africas)
Traduction : Robert Allgayer (AFC 0002.67)


Texte paru dans la R.F.C. n°252.


NDLR : Anton lamboj est aussi l'auteur du très bon livre " Die Cichliden des westlichen Africas" que vous pouvez trouver en anglais ou en allemand par internet, ou dans quelques boutiques spécialisées. Nous aimons beaucoup ce livre, et comme la littérature sur les Cichlidés de l'Afrique de l'Ouest est encore trop rare, nous avons choisis d'en faire un peu de pub ici.