Mâle Ectodus descampsii de Zambie - Photo d'Estelle.


Mâle Ectodus descampsii pêché à Kalambo - Photo d'Eric Genevelle.

Maintenir et reproduire Ectodus descampsii Boulenger, 1898


Description

Pour une vue d'ensemble sur le statut taxonomique courant dans le genre Ectodus, réferrez-vous à ma synthèse sur les Ectodus, Boulenger 1898. En résumé, ce qui était censé être des espèces non décrites d'Ectodus circulaient sous le nom de E. sp. "descampsii ndole" (Konings 1998), et il y a de fortes probabilités que ce soit l'Ectodus que Boulenger a décrit en 1898, et l'espèce qu'on croyait être le vrai Ectodus descampsii était une espèce non décrite ; E. sp. “north”. Une espèce qui est d'ailleurs en cours de description (Verne 2001; Jos Snoeks, pers. com.).

Ectodus descampsii a beaucoup de similitudes, aussi bien morphologiques que comportementales, en communs avec le groupe de cichlidés sabulicoles que forment les Lestradea perspicax, L. stappersii, Cardiopharynx schoutedeni et naturellement l'Ectodus sp. "north". Ils sont argentés et de formes très elancées, parfaitement adaptés à la vie au dessus de vaste plage de sable où les refuges sont rares. Ils sont souvent vus en groupes dans le lac (Eysel 1990).

La phylogénie moléculaire a montré que les Ectodus sont très proches des surnommés "featherfins" (nageoires de plumes), (espèces des genres Ophthalmotilapia, Cyathopharynx, Cunningtonia et Aulonocranus), aussi bien qu'aux Xenotilapia et Callochromis, et les Ectodus avec Lestradea, Cunningtonia et Aulonocranus forme un sous clade à l'intérieur du clade Ophthalmotilapia (Koblmüller et al. 2004).


Femelle Ectodus descampsii en incubation - Photo de Thomas Andersen.



Le corps de l'Ectodus descampsii est allongé et a une nageoire caudale puissante ; on obtient une longueur totale de 14 cm pour les mâles, et les femelles sont légèrement plus petites. Les juvéniles et subadultes des 2 sexes, ainsi que les mâles dominés, sont colorés à l'identique et il est très difficle de les distinguer. Les mâles dominant sont généralement plus imposants, avec un corps plus haut et une nageoire dorsale qui donne une impression de drapeau. Les 2 sexes ont un point noir entouré d'un halo bleu sur la nageoire dorsale, mais le point est bien plus gros et distinct sur les mâles dominants sexuellement actifs, qui sont aussi ornés d'un magnifique jaune sur leurs nageoires.

L'aire de distribution des Ectodus descampsii se limite aux côtes Zambiennes ainsi que les côtes de la partie sud de la Tanzanie.

Ectodus descampsii est un véritable sabulicole, et son corps argenté est une adaptation parfaite à la vie dans les vastes plages de sable où les refuges sont rares ; le corps argenté reflète la couleur du sable, donc il se fond avec le sol et il devient difficile aux prédateurs de bien le cibler. Si un danger apparait soudain, E. descampsii se camouflera sur le sable pendant plusieurs minutes. Ce comportement peut aussi être observé en aquarium et les rends difficiles à attraper ! Je me rappel bien la première fois que j'ai eu a bouger quelques pierres dans un aquarium avec des E. descampsii – Quand ma main a touché l'eau, tout les poissons ont disparus en moins d'une seconde !


Mâle Ectodus descampsii dans son "nid" - Photo de Thomas Andersen.



Ectodus descampsii est généralement trouvé en groupes dans les eaux peu profondes, fouillant le sol. Il se nourrit de tout ce qu'il peut trouver dans le sable, qui est filtré et mâché, mais leur régime principal est constitué de larves d'insectes et de petits crustacés. C'est un incubateur buccal maternel et les mâles construisent de large nids de sable pour attirer les femelles (Konings, 1998).

Les mâles Ectodus descampsii ont une coloration plus sombre pendant la phase de reproduction; la couleur est sous le contrôle de son système nerveu et cette robe noire peu apparaître ou disparaître en l'espace de quelques secondes, phénomène provoqué par les melanocytes qui portent le colorant. Les mouvements d'eau, dans ce milieu peu profond, soulève constamment les sediments qui brouillent alors une grande partie de la forme des poissons. La coloration noire rend donc les mâles bien plus évidents pour les femelles dans l'eau trouble (Konings 1988).

J'ai souvent entendu dire que l'Ectodus descampsii est une espèce relativement calme et pacifique ; mes experiences avec eux m'auront appris le contraire ! Les mâles peuvent être très agressifs entres eux, avec les femelles non gravides, aussi bien qu'avec les autres habitants de l'aquarium. Il faut garder à l'esprit le fait qu'ils aiment beaucoup nager, l'aquarium ne devrait pas être trop petit. Un seul mâle ne dévoilera pas ses plus belles couleurs, il est donc préférable de maintenir au moins 2 mâles et un groupe de femelles – un tel groupe demande un bac avec une largeur de 130 cm minimum ; avec 3 mâles l'aquarium devra faire 150 cm ou plus si vous voulez maintenir d'autres poissons avec eux. J'ai eu jusqu'à trois mâles adultes en train de parader en même temps dans un tel bac - un spectacle vraiment, vraiment, très beau.

Le sol de l'aquarium doit être constitué d'une couche épaisse de sable très fin, et de quelques roches pour marquer les territoires des mâles. Pour offrir un abris aux femelles en incubation, il faut planter un groupe dense de Vallisneria.

E. descampsii devrait être nourrit avec des artémias congelés, des cyclops, et des paillettes de qualité. Ils aiment aussi grignoter les algues, donc des paillettes à base végétales seraient préférables.


Reproduction

Comme je l'ai dit précédemment, Ectodus descampsii est une espèce à incubation buccal maternelle et les mâles construisent de grands nids de sable afin de séduire les femelles gravides pour se reproduire. C'est également le cas en captivité ; le plus grand nid que j'ai vu mesurais bien plus de 40 centimètres de diamètre et était de 10 centimètres de hauteur.


Alevins Ectodus descampsii de Zambie - Photo d'Estelle.

Au passage d'une femelle près de son nid de sable, c'est un déploiement de nageoires complètement noires pour la séduire, alors que les intrus sont agressivement chassés loin du nid. Si un mâle réussit à séduire une femelle gravide, la femelle pondra rapidement quelques oeufs qui sont immédiatement fertilisés par le mâle avant d'être pris en bouche par la femelle. Cette scène est répété jusqu'à ce que la femelle soit vide d'oeufs.
À plus d'une occasion, j'ai été témoin d'un mâle dominé, coloré comme une femelle, qui part furtivement vers le couple reproducteur et réussis réellement à libérer sa semence au-dessus des oeufs. Quand le mâle dominant découvre ce qu'il se passe, il chasse très violement l'autre mâle - le scénario entier dure seulement quelques secondes, mais l'observation en est étonnante !

Le nombre d'oeufs pondus varie entre 15 et 40 oeufs et ils sont incubés pendant environ trois semaines. Dès que les jeunes sont libérés, ils forment un groupe compact.

La reproduction a toujours eu lieu tard en soirée ou tôt le matin, et j'ai noté que la lumière directe du soleil ou la lumière du soleil dans la pièce le matin, augmente fortement les chances de déclencher des reproductions.

J'ai également noté un fait particulier avec deux de mes mâles. Quand la lumière artificielle de l'aquarium est eteinte et que seule la lumière du jour rayonne, un de mes mâles est toujours magnifique, en robe de pariade - au moment où j'allume les tubes fluos, la couleur du mâle se fane en quelques secondes et un autre mâle prend ses couleurs et le remplace en se positionnant dans le même nid !




Conclusion

L'Ectodus descampsii est un poisson d'une beauté éblouissante, avec un comportement très intéressant qui ne cesse de me surprendre. Il faut tout de même se rappeler qu'ils ont besoins de beaucoup d'espace pour nager et monter leurs nids, et qu'il faut choisir leurs compagnons d'aquarium avec soin.





Texte : Thomas Andersen (www.cichlidae.info)
Traduction : Raphaël Lang (AFC 0422.94)
Photos : Estelle, Thomas Andersen, Eric Genevelle.




Références

Boulenger, G. A.; 1898; "Report on the collection of Fishes made by Mr. J.E.S. Moore in Tanganyika during his Expedition 1895-1896"; Proceedings of the Zoological Society of London; 21. Eysel, W.; 1990; "Tanganjikasee-Cichliden: Die Übergattung Ectodini – 1. Ectodus descampsi"; Deutsche Cichliden Gesellschaft- Informationen; v. 21, n. 6, pp. 119-124. Koblmüller, S. & W. Salzburger & C. Sturmbauer; 2004; "Evolutionary Relationships in the Sand-Dwelling Cichlid Lineage of Lake Tanganyika Suggest Multiple Colonization of Rocky Habitats and Convergent Origin of Bipartental Mouthbrooding"; Journal of Molecular Evolution; n. 58, pp. 79-96. Konings, Ad; 1988; "Tanganyika Cichlids"; Verduijn Cichlids, Holland; pp. 1-272. Konings, Ad; 1998; "Tanganyikan Cichlids In Their Natural Habitat"; Cichlid Press; . Verne, Sébastien; 2001; "Identification, distribution et Taxinomie des Cichlidés Ectodini du lac Tanganyika"; Rapport de stage: Responsable de Licence de Biologie des Organismes, Université des Sciences et Technologies de Lille/Museé Royal d´Afrique Centrale, Tervuren; pp. 1-91.