Mâle A. striatum

On parle de Killies depuis bien des années, ce surnom leur viendrait du mot « killifish» qui désignant dans les années 1780 des petits poissons d'Amérique du nord, ( en ancien hollandais, kil = ruisseau ou fossé) qui sont aujourd'hui connus sous le nom de Fundulus heteroclitus. Puis ce nom a été attribué aux espèces de la famille des Cyprinodontiformes, qui sont pour la plupart des poissons d'eau douce vivant dans presque toutes les régions chaudes du globe, à l'exception de l'Australie.

Ce sont des petits poissons robustes, de forme fuselée ou cylindrique. Leur livrée est généralement très colorée et contrastée, surtout chez les mâles. Les nageoires sont ornées de couleurs vives réparties selon un patron plus ou moins spécifique. On voit des bandes, stries, lisérés, points, macules, flammules, et taches de tailles et couleurs diverses. La présence de Killies en aquarium n'est pas récente mais ils ne font pas partie des poissons « à la mode », on ne trouve que peu d'espèces régulièrement importées et reproduites. Il en existe bien d'autres, pas encore répertoriées.

Ils portent de petites dents coniques, leur bouche protactile est dépourvue de barbillons. Leur corps est couvert d'écailles cycloides et assez grandes, ils n'ont pas de nageoire adipeuse. Ce sont de piètres nageurs mais ils sont par contre capables de sauter très bien ou de creuser pour s'enfouir dans la vase.


- Photo www.vulkaner.no

Généralement les Killies vivent dans des petits cours d'eau forestiers, qu'on nomme marigots et dans des petits ruisselets. La largeur ne dépasse pas 3-4 mètres et les points d'eau les plus peuplés mesurent généralement pas plus d'un mètre. La profondeur varie de 2 cm à 50 cm, pas mal d'espèces s'accommodent bien d'une faible hauteur d'eau et se localisent volontiers dans des flaques profondes de 5 à 10 cm.

Le courant est très faible, de l'ordre de 3 cm/sec , plusieurs espèces camerounaises semblent capables de vivre dans un courant plus rapide, mais ils ont tendance à rechercher les zones d'eau calme, le long des rives, dans les anses, derrières les souches, racines ou rochers qui cassent le courant.

Ils colonisent aussi les zones fortement plantées où les tiges freinent le courant. Quelques espèces, plus particulièrement les Fundulopanchax préfèrent carrément les eaux stagnantes. On les trouve essentiellement dans les marécages, mares et trous d'eau et pas dans les ruisseaux.

Les Aphyosemion évitent généralement les cours d'eau profonds et ne vivent pas dans plus d'un mètre de profond. Ils sont souvent seuls dans leur biotope, peu d'autres poissons appréciant ces milieux de vie, ce qui leur évite toute forme de compétition , du point de vue alimentaire par exemple.



Bon nombre de ces ruisseaux et marigots peuplés de Killies coulent à travers la forêt.

Les grands arbres atténuent la lumière, limitent les variations de température et fournissent une partie de la nourriture, sous forme de petits insectes, arthropodes, bestioles et larves diverses qui tombent des branches.

Le sol peut être constitué de sable, de petits cailloux, ou de roches, selon les régions.Il est souvent tapissé de feuilles mortes, souvent sur plusieurs dizaines de centimètres d'épaisseur et de débris de végétation ; Mais s'il y a trop de vase, de sédiment ou d'argile en suspension on y trouve peu de Killies, ceux-ci n'apprécient pas de nager dans une eau troublée par des particules.



Les ruisseaux forestiers et les marécages s'assèchent partiellement et les poissons survivent alors dans les flaques résiduelles, dans 1-2 cm d'eau libre, au dessus d'une couche parfois épaisse de feuilles mortes et de vase. Ils parviennent même à subsister quand il n'y a quasiment plus d'eau libre, mais juste de la boue.

L'eau de ces marigots est limpide, douce et acide, mais la végétation qui s'y décompose peut parfois la colorer un peu. Le pH est très bas, compris généralement entre 5 et 6.5 et le kH entre 1 et 4. Dans certaines régions montagneuses ou volcaniques, sur les flancs du Mont Cameroun par exemple, le pH peut être neutre ou légèrement alcalin et la dureté peut grimper jusqu'à 5-7 KH. Le taux de nitrates est très faible.

Selon leur localisation, les cours d'eau subissent des variations de niveau parfois importantes, allant même jusqu'à disparaître presque complètement au moment de la saison sèche. D'autres rivières gardent un niveau constant et il y a très peu de modification des paramètres de l'eau.

Dans les marigots des régions camerounaises on trouve peu de végétation aquatique. La faible luminosité permet tout de même à des Crinum natans, des Nymphoea, des Limnophyton de prospérer. Les Aphyosemion sont des prédateurs, d'excellents chasseurs qui apprécient les arthropodes et petits insectes, qui consomment diverses larves aquatiques, ainsi que des vers, des fourmis. En aquarium, ils se jettent sur les larves de moustiques, les daphnies, drosophiles, vers grindal, les tubifex vivants ou congelés.

Quand on les voit dans les bacs des magasins, les Killies sont ternes et peu mis en valeur. Les marchands ne les tiennent pas à disposition, à cause de leur courte durée de vie et de leur besoin d'eau douce : Il faut les commander spécialement, ou les rapporter de voyage… Plus simplement on peut en acheter à un éleveur amateur ou directement aux membres du Killi Club de France( www.kcf.com ). Il est possible de trouver des jeunes poissons ou des œufs à vendre dans les bourses aquariophiles, les congrès ou dans les clubs. Il vaut mieux les installer dans un bac spécifique, c'est-à-dire un aquarium pour une seule espèce. Un espace vital réduit leur convient, nul besoin de grands aquariums.

Les paramètres de l'eau doivent être contrôlés régulièrement : la majorité des Killies vivent en eau douce et acide, présentant une conductivité très basse.

On vise un pH compris entre 5.5 et 7 et une dureté de 2 à 8 dGH. Il est généralement nécessaire d'employer de l'eau osmosée ou une eau en bouteille très peu minéralisée pour obtenir ces valeurs, l'eau du robinet est presque toujours trop dure pour des bacs peuplés de Killies. La température normale d'une pièce chauffée est suffisante ; Grâce à l'éclairage et à la chaleur dégagée par le moteur d'un petit filtre, l'eau atteint sans problèmes 20 ou 22 degrés. Si elle est plus chaude, vers 26 degrés, leur métabolisme s'accélère et leur durée de vie est raccourcie. Pendant les chaleurs estivales, on court le risque de perdre des poissons si la température monte trop haut et si l'oxygénation n'est pas suffisante. Un renouvellement partiel mais fréquent de l'eau du bac est indispensable et garantit une bonne hygiène. Si le bac est planté, et éclairé il ne devrait pas avoir besoin de filtration, un changement hebdomadaire de 30% du volume est suffisant,si la population est de 3 individus pour 15 à 20 litres.


Mâle Fundulopanchax gardneri

Les Fundulopanchax gardneri sont des Killies qu'on peut facilement se procurer dans les commerces aquariophilies et qui sont peu exigeants. De taille relativement grande, ils atteignent 6 cm , et sont bien colorés. Ils vivent surtout au Cameroun, dans la région de Mamfé, et dans les affluents de la Bénoué. La région de Misaje compte des populations bien colorées, de teinte bleue ou verte avec de nombreuses marques rouges.

On en trouve aussi de grandes populations au Nigeria, dans des marécages de basse altitude et dans des rivières de moyenne montagne, de Igbetti à l'ouest et sur le Plateau de Jos, jusqu'à Kano au nord du pays.

Comme la plupart des Killies, les F.gardneri s'épanouissent mieux dans un bac spécifique. On évite de les faire cohabiter en bac d'ensemble avec d'autres espèces de poissons. Etant donnée leur petite taille, un trio se contente d'un bac en plastique de 20 litres, sans chauffage et juste décoré de tiges de plantes flottantes. Ils se sentent bien dans un petit volume encombré de végétation, de mousse de Java ou de Riccia. Ce ne sont pas des bons nageurs qui apprécient l'espace mais des poissons qui aiment se cacher parmi la végétation. Attention toutefois de prévoir des bacs bien fermés, ce sont d'excellents sauteurs, capables de bondir hors de l'eau en profitant de la plus petite ouverture. ( Article détaillé sur les F.gardeni )

Le choix des plantes dépend de la quantité de lumière disponible. Si l'aquarium est éclairé par un tube fluo, on peut y mettre des plantes à croissance lente comme les Microsorum, des Anubia, de la mousse de Java ou des Bolbitis. Quelques tiges flottantes comme les Ceratophyllum demersum, le Riccia, les Egeria densa, les Salvinia, les Ceratopteris, les lentilles d'eau permettent de lutter un peu contre la prolifération des algues et servent de refuge et de garde manger aux alevins. Si le bac ne reçoit pas de lumière directe mais est seulement éclairé par les lampes de la pièce, la survie des plantes est plus problématique et seules des Anubia, la mousse de Java ou des Microsorum peuvent pousser.



On peut envisager leur maintenance en bac communautaire à condition que l'aquarium soit peuplé de poissons calmes, de petite taille et pas agressifs. Mais même si les F.gardneri sont souvent agressifs et un peu asociaux, ils risquent d'être stressés et dominés par d'autres poissons plus grands ou plus actifs et de rester plutôt ternes et peu visibles. Les mâles entre eux se disputent fréquemment et s'abîment les nageoires. Ils pourchassent les femelles et sont parfois assez violents et territoriaux.

Il est possible d'installer un bac d'une centaine de litres, peuplé de divers Killies. Il faut alors éviter d'y mettre des espèces proches qui risqueraient de s'hybrider. Il existe assez de souches de Killies colorés et intéressants sans avoir besoin de créer des hybrides. Il est généralement très difficile de différencier les femelles qui se ressemblent beaucoup et certains magasins ont tendance à tout mélanger. L'idéal est vraiment de les maintenir en trio ou petit groupe (3 mâles et une dizaine de femelles) dans des bacs spécifiques. Si on ne met que 2 mâles, ils se battent parfois, mais en groupe ils se supportent bien à condition de disposer d'assez d'espace et de cachettes.

La tourbe est largement utilisée dans la maintenance des Killies, elle permet d'acidifier l'eau, lui donne une légère coloration brune et elle est considérée comme un bon support de ponte, qui permet par ailleurs de conserver les œufs des Killis annuels hors de l'eau. La tourbe fibreuse procure aussi des cachettes aux poissons. On recommande de l'ébouillanter quelques minutes et de bien la rincer avant de l'introduire dans l'aquarium. Il est aussi possible d'utiliser des feuilles de chêne séchées comme couche de fond, dans laquelle les poissons s'enfouissent pour pondre et qui présentent aussi des bonnes propriétés acidifiantes et antiseptiques.

cap Lopez - Photo de Maurice Chauche.





Texte : Véronique Ivanov
(Ce texte a été écrit pour Aquarium Magazine du mois de juillet 2005.)
Photos : Véronique Ivanov, Maurice Chauche.

NDLR : Retrouvez Véronique sur son site : www.ivanov.ch :)