Catégories : Eau douce, Afrique lac Malawi.
Par Vincent Soliveres, janvier 2005.
Aulonocara stuartgranti "Ngara"
(lu 17817 fois)Par Vincent Soliveres, janvier 2005.
Aulonocara "Ngara", mâle et Aulonocara "Ngara", femelle
Ngara est située au nord ouest du lac Malawi et forme une sorte de pointe rocheuse qui avance dans le lac. La profondeur moyenne est d'environ 18 mètres et une grande partie de cette zone est composée de roches et de sable, formant ce que l'on appelle couramment l'habitat intermédiaire. Sous l'eau les roches sont recouvertes d'une épaisse couche de sédiments.
Cette localité a donné son nom à un Aulonocara bleu et jaune appartenant, selon toute vraisemblance à l'espèce A. stuartgranti. En fait A. stuartgranti "Ngara" se rencontre principalement autour de Mdoka a environ 5 km au sud de Ngara. Mdoka est formée de rochers à fleur d'eau, le fond y est un peu plus rocheux et l'eau un peu plus profonde qu'à Ngara. Bien que les Aulonocara représentent une population assez importante parmi les Cichlidés du lac, il est intéressant de noter que chaque région possède ses propres variétés et que chacune de ces espèces n'est localisée que dans certains points bien définis. Ainsi, la plupart des Aulonocara répartis autour des îles sont souvent endémiques à ces îles, ce qui signifie qu'on ne les trouve qu'à cet endroit là Aulonocara "Mbenji" n'est présent qu'autour de cette île, il en est de même pour Aulonocara kandeensis à l'île Kande, Aulonocara hueseri à Likoma ou Aulonocara korneliae à Chizumulu. Les espèces que l'on peut trouver dans des régions différentes présentent généralement des différences de coloration ou de morphologie ; c'est par exemple le cas de Aulonocara jacobfreibergi ou encore de Aulonocara stuartgranti qui, selon Konings, serait réparti quasiment tout autour du lac. Il englobe dans cette espèce les formes bleues ("stuartgranti"), bleu-jaune ("steveni") et bleu-rouge du Mozambique ("hansbaenschi"). Autour de Ngara on pourra noter la présence de 2 autres représentants du genre : Aulonocara aquilonium (ex auditor) que l'on rencontre entre Ngara et Vua légèrement plus au nord, et Aulonocara ethelwynnae qui vit entre Ngara et Chilumba un peu plus au sud.
A. stuartgranti "Ngara" est un représentant typique des Aulonocara de la zone intermédiaire. Il picore le sable et fouille les couches de sédiments pour y trouver les petits invertébrés qui constituent la base de sa nourriture, et il se retire dans les amas de roches pour se protéger des dangers ou pour se reproduire. Les grandes cavernes formées par l'empilement de blocs de pierres abritent souvent des colonies d'Aulonocara dans lesquelles il n'est pas rare de rencontrer plusieurs mâles colorés.
Cet Aulonocara est très intéressant par sa coloration qui ne manquera pas d'attirer le regard dans un bac de Cichlidés. La silhouette est plutôt allongée, la tête et le dos du mâle sont d'un bleu très profond et très lumineux, les nageoires pelviennes, anale et dorsale sont du même bleu. Le ventre et les flancs sont jaune orangé et irisés de points bleus, la caudale est jaune, elle aussi avec des vermiculures bleues. La dorsale est surmontée d'un liseré blanc et noir et on peut distinguer un peu de jaune à l'arrière. Quelques traces jaunes sont également présentes à l'arrière de la nageoire anale et laissent deviner quelques ocelles qui ne sont pas très prononcés. Les femelles sont marron foncé avec 7 à 8 barres verticales plus sombres; couleur classique chez les femelles de nombreuses variétés Aulonocara. Un léger liseré noir surmonte la dorsale, il se remarque surtout sur les premiers rayons. La taille se situe autour de 10 cm pour les mâles et 8 cm pour les femelles, ce que semblent confirmer les tailles des poissons sauvages qui sont commercialisés. Bien entendu, ces tailles pourront facilement être dépassées en aquarium.
L'acclimatation en aquarium ne semble pas poser de problème particulier et, une fois acclimatés, les Aulonocara sont des poissons assez robustes, pour peu que soient respectées les règles de bases déjà évoquées dans différents articles traitant des Cichlidés du Malawi. J'en profite tout de même pour ouvrir une parenthèse sur la nourriture, car bon nombre de problèmes sont souvent liés à une alimentation déséquilibrée. En règle générale, il est préférable de ne pas trop nourrir les Cichlidés du Malawi, de manière à ce que les poissons conservent des tailles et des silhouettes pas trop éloignées des exemplaires que l'on rencontre en milieu naturel. Je pense également, qu'il est bien d'essayer de respecter au mieux, les habitudes alimentaires de nos poissons et surtout la manière de se nourrir. Pour ma part, je maintiens essentiellement des poissons qui picorent le sable pour se nourrir (Aulonocara, Lethrinops, petits Haplos...), des Utakas qui se nourrissent en pleine eau, et quelques petits prédateurs (Sciaenochromis fryeri, Placidochromis johnstoni..), et depuis maintenant quelque temps je ne distribue que la nourriture bien émiettée (paillettes fines et préparation congelée finement hachée. La nourriture s'éparpille rapidement dans l'aquarium et une bonne partie se retrouve sur le sol avant que les poissons n'aient pu l'engloutir. Les Copadichromis tournoient en pleine eau pour happer les miettes en suspension, les S. fryeri et P. johnstoni se jettent sur les morceaux un peu plus gros, les Aulonocara et Lethrinops commencent à manger en pleine eau puis se retrouvent vite en bas à fouiller le sol.
Avec 2 repas par jour, les poissons grandissent raisonnablement et conservent des formes élégantes, avec des colorations brillantes. Ce type de nourriture semble convenir à l'Aulonocara stuartgranti "Ngara" ; le mâle sauvage, acheté il y a 2 ans a peu grossi et semble maintenant s'être stabilisé à 11 cm. Côté comportement, il est plutôt sociable avec les autres espèces et ne fait pas partie des Aulonocara les plus agressifs.
Aulonocara ethelwynnae mâle
La cohabitation avec d'autres espèces Aulonocara est possible à condition de ne pas choisir parmi les espèces trop proches ou trop ressemblantes (Aulonocara "Chilumba" ou Aulonocara "hansbaenschi ), on peut opter pour Aulonocara aquilonium et Aulonocara ethelwynnae et recréer ainsi un petit échantillon de la population des eaux de Ngara. Par contre, comme la plupart des représentants du genre, le mâle est souvent assez agressif avec les femelles auxquelles il faut impérativement aménager des abris et cachettes où elles pourront se réfugier. La reproduction de cette espèce ne diffère guère de celle des autres espèces courantes d'Aulonocara. La ponte pourra se dérouler sous une pierre ou dans un coin un peu retiré de l'aquarium. Par contre la plupart des femelles que j'ai pu observer ne sont pas très productives, dans le sens où il peut souvent s'écouler plusieurs mois entre 2 pontes. Celles-ci comptent généralement de 15 à 30 jeunes qui grandissent d'environ 1 cm par mois. Dans chaque ponte, il y a toujours un mâle précoce qui se colore avant les autres, autour de 4 à 5 cm et curieusement ce n'est pas toujours le plus gros. A cette taille, ces petits mâles colorés sont toujours très plaisants à observer.
Aulonocara aquilonium, mâle
Texte et photos : Vincent Soliveres (AFC 2013.33)
Paru dans la R.F.C. n°182.