Hemichromis stellifer - Photo de Gabriel Hernando.


Le genre Hemichromis n’a pas une très bonne image chez beaucoup d’aquariophiles et de cichlidophiles, la plupart du temps pour de mauvaises raisons : on les dit très agressifs, ce qui est loin d’être une réalité généralisable à tout le genre ; on les qualifie de « poissons pour débutants » du fait de la relative facilité de leur reproduction ; on dit aussi qu’il est impossible de trouver de bonnes souches, ce qui est faux grâce aux efforts de collecte et d’identification de certains aquariophiles et importateurs. Enfin, la systématique du genre, en pleine évolution et empreinte de nombreuses interrogations et controverses, ajoute au flou qui entoure les Hemichromis.

Les Hemichromis dit « rouges » sont certainement les plus intéressants du point de vue de la maintenance et de la reproduction – et, détail non négligeable, les plus faciles à maintenir. Ils sont représentés par huit espèces décrites ayant souvent plusieurs formes chromatiques et de classification difficile. Parmi elles, certaines espèces n'ont pas une coloration uniformément rouge mais plutôt brunâtre à orangé : Hemichromis paynei, Hemichromis letourneauxi, Hemichromis cerasogaster et Hemichromls stellifer, mais aussi certaines formes géographiques de H. guttatus


Hemichromis stellifer, Lekoni, Gabon - Photo de Florent de Gasperis.

Le milieu naturel de H. stellifer s' étend du Gabon à la République du Congo en englobant le Congo-Brazzaville. La population type vient du Malebo Pool (Rép. du Congo) et il est possible que certaines populations puissent être élevées au rang d'espèce.

La robe de H. stellifer est vraiment spectaculaire :
Les opercules sont rouge-marron recouverts de vermiculures bleues. Sur la moitié inférieure du corps, de la nageoire anale aux nageoires pectorales, s'étend une bande rose à rouge vif pouvant se prolonger jusqu' aux lèvres. Entre cette bande et la ligne latérale, l'arrière de chaque écaille porte un trait bleu.
Le dos est brun-marron. Le. pédoncule caudal ne porte pas de tache.

Le flanc est marqué en son milieu d'une tache sombre dont la taille varie énormément et pouvant se diviser en deux barres verticales au moment de la reproduction.
Au-dessus, une tache noire couvre deux rayons de la dorsale. Une ou deux autres taches moins marquées sont également présentes un peu plus en avant dans la dorsale.
La nageoire caudale est jaune terne, ses rayons sont colorés de rouge et la partie postérieure est marquée de liserés alternativement rouges et bleus. L'espace les séparant étant bleu métallisé.
L'oeil peut être traversé verticalement par une bande sombre.

Les exemplaires sauvages que je maintenais, deux mâles et une femelle , m'ont été offerts par Jérôme Thierry qui les a ramenés du Congo. Dès leur arrivée chez moi ils furent placés dans un bac de 100 litres afin de laisser un couple se former.

Les caractéristiques de l'eau étaient les suivantes : pH 6, TAC à peu près égal à 8 °, Temp 27°C. Le décor était composé d'une racine, de deux pots de fleurs collés comportant une ouverture, de grandes ardoises formant des cavernes. Le bac était planté de mousse de Java et de Microsorum.
C'est une semaine plus tard qu'apparurent les points blancs, qui mirent en deux jours seulement, les poissons dans un état lamentable, si bien que je n'avais plus grand espoir de les sauver. En désespoir de cause je tentai un traitement au Costapur. Une semaine plus tard les points blancs avaient disparu et les poissons nageaient de nouveau normalement.

Le plus gros mâle relégua son compère et la femelle dans un coin du bac et s'appropria une caverne. Le deuxième mâle n'ayant pas l'air de repousser la femelle, je retirai le gros mâle. Aussitôt les parades commencèrent. Je distribuai abondamment artemia, cyclops et mysis congelés – le régime alimentaire des Hemichromis rouges est en grande partie composé de larves d’insectes et de crustacés, essayez de lâcher une Neocaridina dans le bac, vous verrez… Une semaine plus tard, après de nombreuses parades, ils pondirent environ 200 oeufs sur un pot de fleurs abrité par une ardoise (donc sur substrat caché). La femelle les ventilait soigneusement pendant que le mâle surveillait tout ce qui se passait de l' autre côté de la vitre frontale et, lors des distributions de nourriture, il remplaçait sa compagne auprès de la ponte qui n'était donc jamais laissée sans surveillance.
L'éclosion a lieu après trois jours. Les larves ont alors été transportées dans une cuvette près de la vitre frontale, à proximité d' une grotte Contrairement à ce qu'on entend parfois dire, aucun des Hemichromis que j' ai maintenus et qui se sont reproduits n' a touché aux plantes.
Quelques jours plus tard les larves atteignent le stade de la nage libre. Un nuage d'alevins longilignes assez clairs se jettent sur les nauplies d'artémias et picorent les algues qui poussent sur la vitre arrière.
Chez cette espèce 1e mâle est aussi actif que la femelle dans la garde des jeunes, il repère les alevins égarés et 1es recrache dans le banc. Ceux-ci sont moins difficiles à élever que ceux de H. guttatus, ils acceptent sans difficulté la poudre pour alevins en complément des artémias (pas facile d' en produire assez ,pour toute cette marmaille !).
Le deuxième jour de nage libre j' ai vu une vingtaine d' alevins dans le filtre, vraisemblablement aspirés durant 1a nuit. Il est donc sans doute préférable de remplacer le filtre principal par un filtre à exhausteur durant cette période. Récupérés à l' aide d' un gobelet, ils ont été pris en bouche par la femelle puis recrachés au milieu d' un nuage de nauplies dans lequel ils ont rapidement repris de l' embompoint Depuis de nombreuses autres pontes ont eu lieu après que les alevins ont été retirés. La croissance est un peu plus rapide que celle des autres espèces du genre et ils ont atteint 5 à 6 centimètres au bout de six mois. Les parents s'en occupent pendant un à deux mois.

Tout comme les autres cichlidés fluviatiles d' Afrique de l' Ouest, les souches de qualité d’Hemichromis sont peu présents dans le commerce aquariophile. On n’y trouve que des poissons difficiles à identifier, des souches douteuses ou hybridées. C'est bien dommage car leurs couleurs éclatantes, leur intelligence, leur comportement intéressant ainsi que leur reproduction facile devraient en faire des hôtes de choix dans un bac de fluviatiles africains…



Texte : Jérome Scuiller
Photos : Gabriel Hernando, Florent de Gasperis.