Je me suis tout d'abord plongé dans la documentation et j'ai dévoré tous les articles de Vincent Soliveres dans les RFC, car j'avais une idée en tête : les Aulonocaras !


Au magasin Abysse :

Après une petite promenade devant tous les bacs à se faire plaisir en regardant et photographiant de magnifiques cichlidés sauvages, je suis revenu vers les Ngara, dont les couleurs m'ont aveuglées : bleu métal tirant vers le violacé avec un contraste superbe de couleur complémentaire, le jaune orangé !



Aulonocara stuartgranti Ngara dans leur bac de vente à Abysse



Aulonocara stuartgranti Ngara dans leur bac de vente à Abysse



Bref, Je décide de prendre un superbe trio de Ngara sauvages. J'ai choisi un mâle un peu au hasard parmi le lot, car ils étaient tous très beaux et en bonne forme. Mais j'ai porté plus d'attention sur le choix des femelles, pour les choisir plutôt grandes, pas creuses. J'en prends 2 belles de tailles similaires. L'une des 2 a l'air gravide, avec l'oviducte bien ressorti.

Les poissons désirés se laissent prendre sans problème, et "emballé c'est pesé". Il est temps de ramener les 3 sacs gonflés à l'oxygène, dans leur futur maison. :-) :





Avant / Après plantations, fin prêt pour recevoir ses futurs occupants.


Parlons à présent de l'aquarium qui attendait, sagement et vide, depuis quelques semaines l'arrivée des écailles. Un aquarium de 100cm de façade et de 120 litres constitue un volume minimum pour de tels cichlidés. Mais le trio restera seul dans ce bac, et les Aulonocara sont tout de même parmi les plus calmes du Malawi.
L'eau de conduite (à Ivry-sur-seine) se prête très bien à la maintenance des poissons d'eau dure. De plus l'eau du bac est bien brassée avec venturi.

L'arrivée dans leur futur maison :

Arrivé à la maison, je vide les sacs des 3 protagonistes dans un seau et je mets en place le goutte à goutte. Les poissons sont peu à peu habitués à l'eau d'Ivry, je les sors du seau doucement un par un à la main, pour les mettre toujours aussi délicatement dans l'aquarium.


Je pensais les voir filer derrière les roches, pour ne les voir réapparaitre que bien plus tard... Et bien non.

Ils sont restés très groupés, en pleine eau, avec un comportement stressé de nages rapides de gauche à droite.
Quelques heures après, je ne résiste pas à la tentation de leur distribuer des paillettes vertes à base de spiruline : ils se jettent dessus et les dévorent goulument ! (pour du sauvage, fraichement arrivé, me voila rassuré)

Le lendemain :

Je suis assez surpris et même plutôt embêté des les voir tous les 3 nager et s'épuiser bêtement contre la vitre et donc de conserver un comportement type "bac de vente"... :(
je décide de prendre le rythme de distribution de nourriture que j'ai lu dans un article de Vincent Soliveres, à savoir :
- Le matin, crevettes ou artemias
- Le soir, paillettes vertes.

Ils se jettent sur les artémias, avec autant de célérité que pour les paillettes de la veille, très bien :-)

Mais sitôt la nourriture consommée, ils reprennent leurs nages stressés contre la vitre... Grrr... :(

Le mâle en revanche, arrête régulièrement quelques instants pour fouiller le sable à grandes bouchées, et récupérer d'infimes restes de nourriture.
Mais reprend sa place avec les femelles et nage contre la vitre... re-Grrr....

Je suis vraiment étonné d'une période d'adaptation si longue et si désordonnée ! Comparés aux cichlidés du Tanganyika qui se cachent et attendent calmement de s'habituer, mes trois Ngara eux, nageaient jour et nuit contre une vitre de côté... j'étais perplexe, mais laissais faire le temps.

Je file au Leroy merlin du coin pour prendre du tuyau PVC pour préparer des caches en hauteur.

Ensuite :

Au matin je découvre le sol, (d'un sable ultra fin non-abrasif) un véritable champ de bataille !

Creusé de partout, mais super propre, pas un dépôt de selle ou de nourriture ! Le comportement naturel des Aulonos avec la filtration par décantation intérieure est un cocktail de propreté remarquable 8-)

Sinon, intervention rapide dans le bac : installation des tubes PVC (sciés et rebords champ-freinés) sur les renforts de l'aquarium, avec du fil de nylon.



Quelques jours plus tard :

Enfin ! ils arrêtent leurs nages de stress et se comportent plus normalement, les femelles se sont "expliquées" aujourd'hui et se sont coupées l'aquarium en 2 ! j'ai vite rajouté plusieurs pots de fleur et roches, pour augmenter le nombre de cachettes.

Les femelles se rencontrent sur la plage centrale pour des petites nages d'intimidation sans suite.

Le mâle lui ? bah pépère, il les ignore complètement ! Et se fait sa petite vie : il fouille le sable, ne se cache pas. Je peux le prendre en photo facilement.

La suite :

une semaine s'est déroulée tranquillement, sauf que j'ai noté un manque d'entrain à se nourrir. Je les ai donc fait jeûner une journée.

Le jour de jeûn les a bien remotivés à s'alimenter, le lendemain matin les artemias n'ont pas eu le temps de tomber au sol. J'ai aussi effectué un changement d'eau de 1/3 du bac au lieu des 1/4 habituel. Ces petites manœuvres ont eu l'effet escompté :-) Après 10 jours à la maison, le mâle est devenu "fou d'amour" et persécute ses femelles pour se reproduire, il semble aussi creuser un peu derrière la grande pierre, à l'abri des regards, une sorte de cavité où il tente d'attirer les femelles.













Reproduction :

Toute la semaine le mâle a été très actif et j'ai découvert une femelle en incubation ! (celle qui avait l'oviducte sorti lors de l'achat). La bouche à peine gonflée mais le ventre bien creusé. Depuis, la femelle en incubation passe son temps dans un tube pvc, et c'est l'autre femelle qui doit à présent supporter seule le mâle très actif.

Je viens de relire un article de Vincent Soliveres, qui parle de 2 modes de maintenance. En trio ou quatuor, comme j'ai fait, mais préconise aussi une maintenance en groupe : 5 mâles pour 2 ou 3 femelles dans un grand bac. Et je pense que c'est la meilleur solution. Déjà d'un point de vue observation, mais surtout car là le mâle passe son temps à persécuter les femelles. :-C En groupe, il aurait fort à faire pour contrôler les mâles dominés et garder sa place dans la hiérarchie. Les femelles seraient tranquilles.

La seconde femelle mange de tout et en quantité, mais le mâle commence à faire la fine bouche, il délaisse les paillettes vertes, car il sait qu'il y aura des artemias à la prochaine distribution !

j'ai aussi allégé les quantités de nourriture, en gardant un rythme de 2 distributions par jour et parfois avec 2 jours de jeûnes par semaine. J'ai eu la main lourde à leur arrivée pour les retaper. A présent ils sont beaux, plus de ventre creux, alors je calme la quantité.

Seconde bonne nouvelle :

La deuxième femelle est aussi incubation ! la pleine lune était le 13. les femelles ont incubé le 11 et le 14. Hasard ? on verra bien sur les prochaines repro ! ;-)

En tous cas l'aquarium fait bien vide tout d'un coup ! Les 2 femelles sont dans les tuyaux PVC, et ne sortent que la nuit pour dormir au sol. Le mâle est donc tout seul et devient d'un coup plus peureux ! Alors il se cache aussi...

L'aqua est donc sans intérêt pour les amis qui passent et qui me disent, "bah ils sont où les poissons ?? c'est nul !!!"

Je laisse dire, et je me dis que dans 20 jours environ, il y en aura de l'animation !! Des petits de partout !!! :-)



Période d'incubation :

L'aquarium est toujours très très calme. je distribue rarement de la nourriture car seul le mâle se nourrit.
Les bouches des femelles ne me paraissent vraiment pas très pleines. Il va seulement y avoir quelques petits je pense.

Près d'un mois après leur arrivé :

Je récupère facilement les femelles et les fait cracher dans un second petit aquarium d'alevinage d'une quarantaine de litres. Je récupère alors environ 30 alevins par femelle ! Elles m'avaient bien trompé avec leur bouche si peu bombée !

Une petite série de photo pour observer la croissance !



Quelques heures après avoir fait cracher les femelles


Alevin de quelques jours


Jeune de quelques mois


Jeune de quelques mois



J'ai récupéré et élevé ces 2 premières repro. Ensuite, j'ai laissé faire la nature, et je n'en ai plus récupéré du tout. A présent le bac grouille de jeunes entre les roches ! Les femelles sont en incubation très régulièrement ! 3 semaines d'incubation, 3 semaines de "repos". Mais je m'inquiète pour elles, car j'ai peur que le mâle ne les épuise. Il va falloir que j'envisage une période de repos, en isolant le mâle dans un autre bac.

Il arrive qu'une "portée" entière soit dévorée dès le laché par les jeunes ainés. Mais le plus souvent quelques jeunes survivent et se débrouillent dans la végétation et les roches, volontairement denses.



L'aquarium est à présent très attractif, il y a de la vie de partout ! Hiérarchie entre les parents, les jeunes, mais aussi entre chaque génération de jeunes. Vraiment très sympathique à observer !

Je n'ai pas observé de cannibalisme des parents sur les jeunes. En revanche, les jeunes ainés dévorent leurs cadets s'ils ont encore un sac vitélin. Dès lors qu'un alevin a résorbé son sac, même s'il ne fait encore que quelques millimètres, les ainés le considère comme un des leurs et ne le toucheront pas.



Je prends beaucoup de plaisir à maintenir et observer cette "colonie" d'Aulonocara. Tous les poissons sont en excellente santé, et les jeunes magnifiques.


Une des clés du succès dans cet aquarium de taille très modeste (1m de façade, 120 litres) est que je fais un suivi quotidien de mes protégés, des changements d'eau réguliers et importants, une nourriture de qualité, (surgelés : artemias, krill, cyclops). De plus, j'ai dès le début multiplié les cachettes (roches, pots de fleur, tubes pvc, plantes) pour qu'un poisson éventuellement dominé puisse vite reprendre des forces.

L'aventure n'est pas fini avec cette magnifique espèce, j'en découvre tous les jours.



Texte et photos : Raphaël Lang