Un Cichlidé bien coloré du lac Victoria

Ce joli poisson m’a fait craquer pour plusieurs raisons, d’abord parce que son comportement apparaît comme proche de celui de certains mbunas du Malawi, et ensuite pour toutes les couleurs qu'il présente, du rouge en dominance sur le corps, ainsi que du vert, une dorsale bleutée terminant sur le rouge, des pelviennes noires, une gueule avec des reflets blanchâtres à bleu-gris pâles, selon l’éclairage, et des ocelles « jaune orange »…. Un feu d’artifice en résumé. Et n’oublions pas les jeunes, argentés !







À l’origine, j’ai fait l’acquisition de 9 poissons, 5 mâles pour 4 femelles, c’était le premier mai 2004. Les poissons, acclimatés dans l’aquarium se « tapirent » au sol, et ce, durant un bon moment. Je paniquais alors, car je n’avais jamais remarqué ce comportement avec les Mbunas … Probablement le stress … Je restais devant l’aquarium un bon moment, en espérant que les poissons allaient se mettre à nager. Le transport avait été plutôt rapide, dix minutes de voiture. Ces poissons avaient été ramenés de chez Ralf Paul en Allemagne quelques mois plus tôt par un ami cichlidophile.

Puis, après peut-être un bon quart d’heure, les poissons ont commencé à se cacher dans le décor, un amas de roches volcaniques couvrant toute la longueur de l’aquarium. Les seuls autres occupants de l’aquarium à ce moment là étaient un couple de Neochromis rufocaudalis et 4 ancistrus, m’étant séparé de tous les poissons du Malawi quelques semaines plus tôt pour m’essayer au Victoria.

Résultat, pendant une douzaine de jours, je n’apercevais les poissons que sur la plage arrière de l’aquarium !

Un aquarium de deux mètres de longueur pour 0,70 de largeur et 0,50 de hauteur, en laissant un passage d’environ 5 à 10 cm entre la vitre arrière et les roches, afin de permettre aux poissons d’avoir plus de territoire dans l’aquarium, mais également afin de permettre aux « stressés » de ne pas s’esquinter accidentellement entre la vitre et une roche. Ayant perdu quelques Othopharynx lithobates Zimbabwe rock de cette façon, je préfère désormais m’abstenir de poser des pierres contre les vitres…



Haplochromis sp. «Hippo point salmon», malgré qu’il soit « timide », est tout de même très curieux. Lorsque je m’approchais de mon aquarium au début, les poissons passaient entre les roches, toujours groupés, s’approchant timidement, mais toujours sous le décor au cas où … Au nourrissage, c’était de rapides aller retour express entre la nourriture et les cachettes, de quoi décourager … J’ai hésité un moment à remettre quelques mbunas, le Pseudotropheus saulosi étant mon préféré, puis, sur les conseils d’un ami, j’ai laissé faire le temps.

Au fur et à mesure, les poissons ont commencé à s’habituer, et rapidement les mâles ont commencé à se choisir chacun un territoire. Au début, 4 mâles s’étaient choisis un coin, le cinquième se faisant rejeté d’un endroit à l’autre, puis s’étant finalement choisi un territoire à l’arrière du décor, femelle gravide oblige ! Finalement, première incubation le 14 mai, 13 jours seulement après leur arrivée !

Par la suite, j’ai perdu un couple, une des femelles qui paraissait plutôt âgée, ainsi qu’un mâle, celui-ci, mort pendant mes vacances…
Fin décembre, un autre mâle mourut sous mes yeux juste après absorption de granulés.
Désormais, je laisserais tremper cette nourriture sèche avant de la donner à mes poissons….

Haplochromis sp. «Hippo point salmon» est un poisson plutôt facile à reproduire. Seize incubations ont eu lieu dans mon aquarium en 8 mois, une des femelles n’ayant eu que deux portées avant de mourir … Sur toutes les incubations que j’ai récupéré, il n’y avait que 10 à 15 petits par portées au départ, de belle taille par contre. Maintenant, j’en dénombre entre 20 et 25, les femelles approchant les 9-10 cm. D’autres copains dénombrent jusqu’à une quarantaine d’alevins par portée, peut-être une histoire de paramètres de l’eau …

La croissance des jeunes est assez rapide. La coloration des mâles se manifeste vers 3-4 cm environ. Premières femelles en incubation à la taille de 5-6 cm, les jeunes mâles étant aussi beaux et actifs que les mâles adultes. Observations faites dans le bac de grossissement.

La taille de mes H. sp. «Hippo point salmon» reproducteurs avoisine les 10 cm, peut-être un petit cm de moins pour les femelles ; estimation approximative de la gueule à l’extrémité de la caudale, derrière la vitre…







Leur comportement intraspécifique est plutôt intéressantà observer. Les mâles se gardent chacun leur territoire, et, lorsque l’un d’entre eux décide de s’accaparer le territoire de l’autre, ils n’hésitent pas à remonter jusqu’à la surface de l’aquarium en s’attrapant par la gueule, le dominé finissant par rebrousser chemin, et y retourner à plusieurs reprises dans l’espoir d’avoir le dessus. Les femelles entre elles ont également le même comportement, mais moins fréquemment. J’ai même eu l’occasion de voir deux femelles en incubation se tenir tête jusqu’à la surface, ainsi qu’une femelle et un mâle dominé, qui préféra décamper … Et tout dernièrement, un autre mâle en couleur et une femelle. Les affrontements visuels, en s’intimidant la gueule ouverte, ne durent alors que quelques secondes, alors que les affrontements entre mâles, peuvent avoir lieu plusieurs fois par jour, avec prise en gueule.

En interspécifique, les deux autres espèces que je maintiens, Neochromis rufocaudalis "Saa Nane island" et Pundamillia igneopinis, ayant chacune leur propre territoire, je n’ai pas eu l’occasion de les voir s’agresser. Parfois j'ai observé une intimidation la gueule ouverte, ou simplement le fait de repousser les autres poissons du territoire qui ne représente qu’une petite surface, en fait un coin de sable entouré de pierres, en forme du U.

Les mâles sont toujours bien colorés, que les femelles soient disponibles ou pas, du moment qu’elles soient dans l’aquarium, sauf une fois ou j’ai modifié la population momentanément. Je m’explique : j’isole mes femelles dans des aquariums de reproduction car je n’aime pas faire cracher les femelles, et, il m’est arrivé une fois de retirer les trois femelles durant une bonne semaine, laissant les 4 mâles célibataires… Il ne me restait au bout de quelques jours qu’un seul mâle en couleur dominante, les trois autres dominés avaient même le ventre apparemment creux. Après avoir remis les femelles dans l’aquarium, il aura fallu une bonne semaine pour que les trois mâles dominés reprennent un ventre normal et de belles couleurs. Désormais, je ne pêche les femelles en incubation qu’au quatorzième ou quinzième jour d’incubation, cette espèce n’incubant qu’une quinzaine de jours à la maison. Ainsi, elles crachent très rapidement leurs alevins, et retournent rapidement dans l’aquarium.

Une petite expérience que j’ai faite, au début de leur acquisition, pour déstresser mes pensionnaires se cachant au moindre mouvement brusque, ou à chaque visite d’une personne étrangère à la maison : j’ai introduit dans l’aquarium un couple de Poeciliidés, des velifera orange (Poecilia velifera) … au moment ou j’ai soulevé le couvercle, plus aucun poisson n’était visible dans le bac, la peur des épuisettes … Au moment ou les veliferas ont plongé dans le bac, tous les «Hippo point salmon» se sont rués vers les nouveaux arrivants, plus question de se cacher des humains les observants ! Le mâle velifera toutes nageoires déployées face à un des mâles hippo ne sachant pas encore comment dominer son adversaire qui ne palissait pas … La femelle pourchassée par un autre … J’ai ressorti illico presto les deux poissons « test » de mes filles …

Suite à ce test avec des Poeciliidés, j’ai pensé qu’il serait plus sage de ne pas introduire d’autres espèces de Cichlidés à dominance rouge avec mes Haplochromis sp. «Hippo point salmon».
J’ai également mis quelques Poecilia sphenops et quelques jeunes Cichlidés de 4 cm qui ont été dévorés par les «Hippo point salmon». Ceux-ci n’hésitent pas à manger tout ce qui peut leur passer dans la gueule ! Par contre, quelques alevins nés dans le bac d’ensemble circulent entre les roches, et ont réussi jusqu’à présent à échapper à l’estomac des adultes.

Les alevins sont aussi voraces que leurs parents. J’ai surpris un jeune de 3 cm avec un alevin d’ancistrus d'1,5 cm dans la gueule ! Il le tenait fermement par la tête, et l’ancistrus a fini dans son estomac !



Haplochromis sp. «Hippo point salmon» apprécie également les planorbes, mais ne broie pas les coquilles comme Astatoreochromis alluaudi. Apparemment, il extrait le mollusque car je retrouve toutes les coquilles vidées dans l’aquarium, et encore plus surprenant, les coquilles vides sont groupées par endroit, comme si les poissons entassaient leurs déchets. Le courant dans l’aquarium ne peut pas être mis en cause, la filtration est faite en semi humide et retombe en pluie sur la longueur du bac ; la proximité des territoires de chaque mâle est une raison probable de l’entassement de ces coquilles vides.

Concernant la nourriture, Haplochromis sp. «Hippo point salmon» mange tout ce que je lui donne, micro vers pour les alevins, paillettes, granulés, pouillhen (crevette pêchée au large de nos côtes bretonnes ressemblant au krill), crabe, œufs de crabe, moules cuites, huîtres cuites, (et oui, la restauration aquariophile en Bretagne équivaut parfois à un 3 étoiles), haricots verts, nourriture maison (à base de moules, haricots, poissons et crevettes) et occasionnellement un alevin…

Alors, s’il vous reste un peu de place dans un aquarium pour accueillir cette espèce du lac Victoria, n’hésitez pas, et, pensez à y mettre plusieurs mâles, vous ne serez pas déçus !

Texte et photos : Sylvain Dubreuil (AFC 0906.29)
Paru dans la R.F.C. n°253.

NDLR : Sylvain vous conseil l'association Haplochromis pour en apprendre plus sur les haplochrominiens.