Catégories : Eau douce, Divers.
Par Raphaël Lang, juin 2006.
Élaborer une population
(lu 27132 fois)Par Raphaël Lang, juin 2006.
Comment élaborer la population d'un aquarium dédié aux cichlidés africains.
Cet article a pour but de recenser les principaux critères qui doivent absolument entrer en compte dans votre composition de population de votre projet d'aquarium. Ce n'est pas une recette miracle, mais des principes généraux élémentaires qu'il faudra adapter à votre situation.
Réflexe de base : Toujours se renseigner au maximum sur un poisson avant l'achat ! Bien vérifier qu'il correspond aux points que nous allons développer dans cet article. pour ne plus jamais entendre "Je ne comprends pas mon banc de cypri a disparu cette nuit, aucune trace, par contre mon frontosa semble assez heureux..."
"Miamm..."

Evidemment l'un des éléments principaux de votre futur population : la taille du bac.
Avant l'achat ou la construction de votre aquarium, cherchez toujours à prendre le plus gros volume possible. Poussez les meubles, les murs, et en dernier recours jetez l'armoire normande de mamie, elle était moche en plus (l'armoire).
Ceci pour vous éviter dans quelques mois, de changer à nouveau de bac pour agrandir un peu plus le volume. Et puis c'est beaucoup plus facile d'y maintenir des espèces de cichlidés, car elles y sont plus à l'aise bien sûr, mais surtout l'eau a une forte inertie ! Très utile contre les montées de nitrite ou la chute de température suite à la panne d'une chauffante, etc...
Ce volume ainsi créé est déterminant. La maintenance des cichlidés est une histoire de gros volumes, et à part des quelques contre exemples de cichlidés nains conchylicoles, il faut penser à des volumes à partir de 300 litres pour toucher un plus large choix d'espèces.
Nos poissons sont remuants, territoriaux et parfois agressifs. Respectez toujours les recommandations de volumes minimums et offrez leur plus si vous pouvez !
Vous avez la taille de votre futur bac en tête, donc une large liste des poissons possibles à accueillir. Passons à l'étape suivante, pour mieux affiner ce choix.

L'eau de votre réseau de distribution va être tout autant déterminante dans votre choix de population ! Faites en une analyse des valeurs de base : pH, nitrates, dureté, etc... Grâce aux tests aquariophiles disponibles dans le commerce. (Assez chers pour ce que c'est).
Pour résumer grossièrement dans notre contexte de population africaine :
- Des valeurs d'eau dure (pH élevé) vous dirigeront vers la maintenance des cichlidés des grands lacs du rift africain.
- Des valeurs plus douces (pH faible) vers des espèces fluviatiles de l'Afrique de l'ouest.
Modifier les paramètres de votre eau de conduite par des ajouts de sels, ou leur suppression (osmoseur), n'est pas du tout une solution durable. Car très fastidieux à la longue. Il faut vraiment choisir des poissons qui vivent dans des eaux similaires à votre eau de conduite, et non pas le contraire : adapter votre eau avec votre manuel du parfait petit chimiste, pour pouvoir maintenir un poisson qui vous plait.

Maintenant que vous connaissez le volume de votre aquarium et la qualité de l'eau qu'il contient, passons enfin au choix précis de vos futurs protégés.
Prenons un exemple simple : si vous mélangez une espèce carnivore avec une espèce strictement herbivore, vous allez vers de graves ennuis.
En effet, il vous sera difficile de nourrir le carnivore d'artémias ou de manteaux de moules, sans que les espèces herbivores ne viennent en avaler quelques morceaux... le système digestif des herbivores spécialisé étant sensible, ils auront des perturbations intestinales, entraînant parfois la mort...
Retenons donc qu'il est capital de maintenir ensemble des espèces de même groupe trophique : un bac de prédateurs, un bac d'herbivores racleurs d'algues, un bac de zooplanctophages, etc... ainsi pas de soucis à l'heure de la distribution de nourriture.

Il parait logique de ne pas créer de situation de prédation dans votre bac !!! Ne tentez pas le diable en mélangeant "juste pour voir" un magnifique lepidio avec les dents qui vont avec, et des gentils lamprologues nains de 3 ou 4 cm quand ils sont debout sur un tabouret les nageoires levées ! Le résultat parait évident : David ne gagne pas contre Goliath...
"David" (Neolamprologus ocellatus)
"Goliath" (Lepidiolamprologus elongatus)
Dans les comportements interspécifiques, cherchons donc à trouver des espèces de valeurs, habitudes et caractères égaux. En plus de la prédation, (cas extrême tout de même), il faut aussi éviter toute domination ou gêne possible d'une espèce sur l'autre :
il est bon de mettre ensemble plusieurs espèces de mbunas par exemple, aux caractères, comportements et tailles semblables. En revanche, un couple de papilio tembwe, calme et très craintif, sera terrorisé avec une "collocation" trop remuante. L'espèce apeuré, constamment stressé et n'osant s'alimenter, finira vite par mourir de stress derrière une roche.
Autre point très important, évitons aussi la concurrence des "milieux de vies" !
il y a dans nos bacs : la pleine eau, les éboulis de roches et les plages de sable. 3 espaces bien marqués. Choisissons alors une espèce qui vit dans la partie supérieur de l'aquarium, une espèce petricole, et une sabulicole.
Ainsi chaque niveau est occupé. Donc pas de concurrence pour se trouver un territoire ou une cachette.
La concurrence alimentaire est aussi contrée : au moment de nourrir vos protégés, les paillettes se répandant dans l'aquarium, les uns les saisissent en pleine eau, les autres devant leurs cavernes, les derniers les ramassent au sol. De toutes manières les poissons en aquarium sont toujours surnourris. On les gâte un peu trop. Il n'y a donc pas d'agressivité interspecifique au moment de les nourrir, les poissons savent qu'ils auront leur part.
En intraspécifique, c'est un autre débats. La hiérarchie compte beaucoup au moment de savoir qui va manger aujourd'hui ou pas... Mais là n'est pas le sujet de cet article, contentons nous des relations interspécifiques, déjà nombreuses.
Respectons donc, dans le choix des espèces de votre projet d'aquarium :
- La taille : la plus homogène possible, pour limiter les dominations.
- Le comportement : pas de "fous" (mbunas, tropheus) avec des poissons peureux et fragiles (Xenotilapia papilio).
- La niche écologique : chacun chez soi, pour limiter la concurrence de milieu de vie.
Aucune concurrence n'est désirée en aquarium. La loi du plus fort finit en catastrophe et n'a pas sa place dans un espace clos, où les dominés n'ont aucune chance de fuir. Il faut bien y penser lors de l'élaboration de votre population, sinon la sortie des dominés fini souvent en version lyophilisée sur la moquette.

Enfin pour éviter que des espèces ne se croisent et ensuite diffuser autour de vous des hybrides qui ne devraient pas exister : il faut choisir des espèces aux formes et aux patrons de coloration bien differents !
Par exemple, 2 espèces d'Aulonocaras peuvent très bien vivre ensemble, mais bonjour la tronche des gamins.
Les haplochrominiens, chauds lapins en général, s'hybrident très facilement. Ne mélangeons donc pas, un groupe de Haplochromis nuchisquamulatus avec des Haplochromis sp. "all red" ! (même s'il viennent tout deux de Kyoga)
Haplochromis nuchisquamulatus
Haplochromis sp. "all red"
Le bon exemple d'association à retenir, avec 2 espèces de lamprologue piscivores : un couple d'Alto et un couple de petit Lepidio conchylicole. Aucun risque d'hybridation puisque leurs formes sont fortement différentes (l'un compressé latéralement, l'autre cylindrique).
Mais ils ont assez de points communs pour être maintenus ensemble ! Ils ont un caractère égal pour se respecter, les mêmes régimes alimentaires, sont tous 2 des lamprologues avec les mêmes habitudes, mais l'un vit dans les roches, l'autre préfère les coquilles vides dans le sable.
L'association est donc bonne entre ces 2 espèces, reste à en trouver une autre de pleine eau peut-être.
Voilà ! C'était selon moi le dernier point capital de cet article, mais explorons à présent quelques options que je vous propose :

C'est une affaire de goûts, mais je trouve aussi cette maintenance plus réaliste :
Imaginons que vous disposiez d'un grand volume, disons le très sympathique mètre cube ! Vous pouvez alors y mettre disons 10 couples d'espèces différentes. Mais voilà : vous avez pleins de facteurs interspecifiques à gérer, il y aura vite une domination et des dégâts. En plus, esthétiquement (c'est tout de même important), je trouve que ces bacs ressemblent à des soupes de poissons...
Avec un tel volume (1m3!) Imaginons plutôt une ou deux espèces se partageant ce bac, mais en mettant plus d'individus par espèce.

Imaginez un tel bac rempli de nombreuses pierres, une belle plage et 6/7 mâles Aulonocara stuartgranti "Ngara" avec 4/5 femelles... Vous aurez là un magnifique spectacle ! Avec des hiérarchies, des parades en-veux-tu-en-voilà , et des couleurs de partout

Mâle Aulonocara stuartgranti "Ngara"
En résumé, et sans aller jusqu'a l'aquarium monospécifique, il faut vraiment essayer de privilégier la règle de peu d'espèces, mais avec plus d'individus ! Avec 2 voir 3 espèces par bac. Les comportements seront ainsi beaucoup plus vrais, et appréciés à leur juste valeur.

C'est le choix le plus courant, car ces cichlidés sont tellement beaux qu'on les veut tous ! C'est bien compréhensible, mais ce type de bac entraine toutes les complications vues dans les chapitres "modes alimentaires" et "comportements interspécifiques" et c'est parfois un vrai casse tête avant d'arriver à un équilibre dans de tel bac !
Exemple : Le couple de Neolamprologus brichardi a fait tout plein de mômes, Ils ont tout envahi, ont pris chaque grotte et empiètent dangereusement sur les territoires des autres espèces...
(Si vous avez d'autres exemples, vous pouvez en laisser dans les commentaires en bas de cet article !)


La solution à tous nos soucis ! lol ! Après avoir mis en place votre aqua, et pris en compte le type d'eau dont vous disposez, il n'y a plus qu'a choisir une espèce sympa. Pas besoin de réfléchir à toutes les concurrences interspécifiques et catastrophe à venir !
Et puis les relations intraspécifiques sont déjà tellement complexes parfois, que vous aurez largement votre dose de soucis avec une seule espèce dans votre piscine de salon. Imaginons un bac de tropheus ou un bac avec juste un énorme banc de thereuterion...
Joli groupe de Haplochromis thereuterion "Anchor island Speke gulf"
Je ne vous le cache pas, le choix d'un bac spécifique est ma solution préféré. Ce n'est pas seulement une question de se simplifier les problèmes, j'ai aussi souvent noté des comportements différents et bien plus intéressants en spécifique qu'en bac communautaire. Notamment au niveau de la hiérarchie.
En espérant que cet article vous sera utile dans la composition de vos projets de population !
Amitiés cichlidophiles !
Texte et photos : Raphaël Lang (AFC 0422.94)
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