Mâle Pelvicachromis taeniatus "Moliwe" - Photo d'Erik Olson.


Femelle Pelvicachromis taeniatus "Moliwe" - Photo d'Erik Olson.

Pelvicachromis taeniatus "Moliwe", un rêve !

Il y a une quinzaine d'années, j'ai fait un rêve en découvrant dans le livre "Cichlidés de l'Afrique de L'Ouest" de Staeck et Linke les Pelvicachromis taeniatus et plus particulièrement le P. taeniatus "Moliwe". Il faut dire que la photographie, parfaitement réussie, les mettait bien en valeur. Je me rendis donc chez mon vendeur de cichlidés habituel et après plusieurs visites, il fut décolé de m'apprendre qu'il lui était impossible de m'obtenir le moindre Pelvicachromis taeniatus. EJ restais donc sur ma faim, mais pas sur la fin de mon rêve.

Celui-ci revint au congrès de Grande-Synthe où Charlie en vendait quelques couples. Mais voilà, j'ai beau être en deuxième position devant le bac de mon rêve tout en négligeant mon propre bac de vente, il y a des jours où les choses vont mal mais c'est comme ça.

j'en profite pour remercier mon voisin inconnu qui a vendu pour moi des Thoracochromis brauschi que j'avais complètement négligés. Il faut dire que la soirée de Grand-Synthe restera mémorable.

Me voilà donc "deuze", la pole position est occupée par deux cichlidophiles belges et, malgré un début d'arrangement, nos amis belges raflent trois couples, me laissant un mâle et trois femelles. Le mâle, en piteux étét, mourut après trois jours à la maison.

Je reste avec trois femelles, malgré tout magnifiques, il me reste un demi-rêve qui cogne pas mal du tout pour de petits poissons. Le rêve se transforme en cauchemard ! Alors, je prends la voiture et je file chez Verduijn en Hollande. Je rapporte trois mâles, dont un meurt en route, j'ai deux couples ! Et bien non, ce n'est pas si simple et même dans un bac de 700 litres spécial Afrique de l'Ouest, deux couples de P. taeniatus "Moliwe" et bien c'est la...

Résultat : les mâles se battent sans cesse, et, avant que je ne puisse intervenir, il ne reste plus qu'un mâle et trois femelles. Elles le veulent toutes, il est poursuivi tout le temps, il stresse et rejoint son compagnon dans la mort en laissant un cichlidophile pensif et beaucoup moins sûr de ses connaissances accumulées par de nombreuses années de maintenance de nos chers protégés. Dépité, je laisse les trois femelles dans le bac, elles se cognent et bientôt il n'en reste plus qu'une.

Est-ce la fin d'un rêve ??? ;-(

Six mois plus tard, une annonce dans la RFC : un "afciste" de la Mayenne a réussi la reproduction, il a plusieurs juvéniles sexables. J'en prend trois couples et je les mets, pour une courte quarantaine (car ça cogne), dans un bac de 150 litres. Ensuite j'ai placé, en couples présumés, les poissons dans des situations différentes. Pour éviter les violences conjugales, je place le couple n°1 avec des néons noirs qui tiennent le rôle de "punching-ball à taeniatus". Le tout dans un aquarium de 200 litres pourvu de nombreuses cachettes (pierres, racines, plantes, noix de coco) ; les néons leur font faire du sport et il n'y a presque plus de violence conjugale. Le couple n°2 est placé avec des jeunes Steatocranus casuarius (2cm) dans un bac de 150 litres. Le couple n°3 est dans un bac communautaire de 300 litres avec des Benitochromis nigrodorsalis et des Steatocranus casuarius juvéniles (4cm).

Un mois seulement après leur arrivée, le couple n°1 apparut, à mon grand étonnement, avec une trentaine de petits. Je ne m'y attendais pas du tout et je n'ai rien vu. Il faut dire que le bac se trouve dans une pièce inoccupée et au calme total.
Plus tard, avec la technique de las noix de coco tronquée, placée sur une vitre de côté, j'ai pu observer parfaitement le processus de reproduction.

Mais revenons aux 30 petits Pelvicachromis taeniatus "Moliwe". Arrivés à la taille de 2 cm, je les ai pêchés puis placés dans un bac de grossissement de 150 litres. Ils ont atteint cette taille en deux mois sans que je ne leur donne de nauplii d'artémias ou de nourriture spéciale alevin.

Au début de leur croissance, j'ai vu les parents recracher à leurs petits des paillettes que je venaus de distribuer. J'ai pu remarquer cette façon de nourrir leur progéniture chez plusieurs espèces (Benitochromis nigrodorsalis notamment). Comme ce sont des poissons détritivores, ils passent leur temps à remuer le sable en quête de nourriture.

Neuf mois tout juste après leur naissance, un jeune couple s'est formé dans le groupe. Ils devenaient agressifs envers leurs congénères et je me suis empressé de les retirer. Au début, j'ai eu peur que le mâle n'épluche la femelle mais comme ils étaient "amoureux", j'ai pris le risque. J'ai placé une noix de coco tronquée contre la vitre du côté et j'ai laisé faire Dame Nature. La noix de est remplie de sable (il semblerait qu'ils aient besoin de transporter du sable pour se reproduire).

La reproduction :

Deux ou trois jours avant la ponte, la femelle parade, revêtue de ses plus belles couleurs, son ventre est gonflé. Le mâle la pourchasse et lui donne des coups dans le ventre mais elle ne s'enfuit plus, au contraire, elle en redemande. Pendant ces trois jours, ils vident la noix de coco de son sable, se mordillent, se poursuivent et continuent à manger.

Lorsque la noix de coco est vide, ils en nettoient l'intérieur. La femelle pond quelques oeufs, le mâle les féconde, elle pond de nouveau, ils fraient ainsi pendant un peu plus d'une heure.

Les oeufs sont regroupés et j'en compte environ 50. Petit à petit, ils se déforment sous l'attention de la femelle qui les mordille, qui semble les nettoyer et qui retire les oeufs non fécondés.
90 heures plus tard, à une température de 25 °C, alors que les larves grouillent de vie, la femelle les prend et les dépose sur le sable à l'intérieur de la noix de coco.
A ce stade ce sont toujours des larves et la femelle continue les soins de nettoyage pendant une trentaine d'heures.
120 heures : la femelle monte la garde dans la noix de coco, Le mâle la seconde dans ce rôle, ce qui permet à la femelle de sortir manger. On voit les yeux des larves, le corps et la queue se sont allongés.

Pendant 6 jours, je n'ai plus vu les larves. Je pensais que les parents les avaient déplacées. Peut-être en avaient-ils marre d'être continuellement observés ? J'ai cru qu'ils les avaient mangés car il leur arrive de les prendre en bouche. Mais, au douzieme jour, les petits sont réapparus. Je pense que les parents ont dû les recouvrir de sable mais cette réflexion reste tout a fait personnelle, elle n'est que supposition. Vus qui lisez ces lignes, peut-être avez-vous la réponse à ce mystère ?

Le comportement du couple a été influencé par le fait qu'ils se trouvaient seuls dans le bac et que ce couple s'est choisi parmi une portée de 30 alevins ce qui facilite l'accouplement et la maintenance en général.

Je n'ai pas de réponse à ce mystère ... que j'appelle le "mystère des 6 jours" et 6 jours, c'est parfois très long et même quelquefois désespérément long. Mais bon aujourd'hui, ils sont tous là ! 50 petites choses qui décollent du able et qui veulent sortir de la noix de coco.
Ils sont couverts de petites taches noirestypiques des alevins de Pelvicachromis.
Une paranthèse à propos de la noix de coco. L'intérieur de celle-ci doit être parfaitement nettoyé. Personnellement, j'utilise une brosse métallique pour perceuse qui a l'avantage de ne me prendre que cinq minutes pour le décapage du tanin qui en recouvre lintérieur. L'extérieur peut être laissé naturel ou décapé, en fonction des goûts de chacun, mais le décomposition des "poils" aide à acidifier l'eau ce qui peut être utile pour la maintenance des Pelvicachromis en général.

Maintenance en bac communautaire

Son comportement est très différent. Sa force : c'est le couple, donc ils sont plus soudés car il faut faire face au danger et un couple de Benitochromis nigrodorsalis en incubation ou un mâle adulte de Steatocranus casuarius pour un petit poisson est un grand danger.

En bac communautaire, ils sont donc beaucoup moins agressifs entre eux et ils font face ensemble aux autres pensionnaires. Dans un bac de 300 litres bien aménagé (cachettes, noix de coco, racine, plante, pot de fleurs etc.), on peut abriter trois espèces d'Afrique de l'Ouest et espérer des reproductions.

Je conseille de placer le couple de P. taeniatus en premier et cela un mois avant d'y introduire les deux autres espèces, surtout si celles-ci sont de taille adulte.Ne vous inquietez pas si au début les taeniatus cognent sur les nouveaux : c'est normal. Avec le temps, ça s'équilibre et les nombreuses cachettes que vous leur avez offertes vont se montrer très utiles. L'avantage avec les Steatocranus, c'est qu'ils ne forment pas de couple ne dehors de la période de reproduction. Le couple de Pelvicachromis pourra donc tenir tête à un individu sans trop de problème.

Quant au Benitochromis, la différence de taille fait qu'il se fatigue vite à nager après les P. taeniatus, ce qui a pour résultat qu'un équilibre se forme rapidement et que les poissons laissent apparaître leurs plus belles couleurs et leurs meilleurs comportements.



J'espère cous avoir donné envie de préparer un aquarium de 150 litres pour accueillir un couple de P. taeniatus.

Les cichlidés d'Afrique de l'Ouest ne me semblent pas plus difficiles à maintenir et à reproduire que d'autres. Pour qui récupère de l'eau de pluie ou possède un osmoseur, l'aventure est jouable. Je ne connais encore personne qui en soit revenu déçu. L'AFC existe aussi pour que nous puissions exaucer nos rêves.




Texte : Thierry Marie (AFC 1697.50)
Photos : Erik Olson (www.thekrib.com)

Texte paru dans la R.F.C. n°262.