Catégories : Eau douce, Afrique de l'Ouest.
Par Anton Lamboj, octobre 2006.
Un extraordinaire Cichlidé du Ghana
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Répartition de Limbochromis robertsi.
L'Afrique occidentale et l'Afrique centrale sont les régions d'origine de toute une série de Cichlidés populaires et intéressants qui ont été rassemblés dans le groupe des chromidotilapiines par Greenwood (1987). Ces espèces apparaissent principalement dans les états de l'Afrique centrale, moins en Afrique occidentale. L'une de ces espèces d'Afrique occidentale est Limbochromis robertsi (Thys van den Audenaerde & Loiselle, 1971) du Gahna.
Historique
Limbochromis robertsi a été décrit, par Thys van den Audenaerde & Loiselle en 1971, comme membre du genre Nanochromis (Pellegrin : 1904). Dans une révision des Cichlidés pelmatochromines par l'ichtyologue britanique Greenwood en 1987, celui-ci décrit le genre nouveau Limbochromis pour cette espèce et pour Nanochromis cavalliensis, également décrit par Thys van den Audenaerde & Loiselle en 1971. La raison était que Greenwood avait trouvé des caractères - ou plutôt des combinaisons de caractères - chez ces deux espèces, qu'il ne pouvait mettre en conformité avec aucun autre genre. Enfin, dans une publication récente, Limbochromis cavalliensis a été placé dans le genre Chromidotilapia (Lamboj : 2000) à partir de caractères anatomiques, morphologiques et éthologiques. Le genre Limbochromis est ainsi monotype.
Sur le plan aquariophile, Limbochromis robertsi est connu depuis plus de vingt ans, mais seulement par les femelles. Linke a d'abord importé une femelle (Linke & Staeck : 1981) qui avait été collectée dans la région de la localité type, dans l'ouest du Ghana. Quelques années plus tard, l'importateur de poisson d'aquarium Bleher (com. pers.) réussissait à attraper deux femelles dans la même région et à les importer en Europe.
Toujours dans cette région, plusieurs de ces Cichlidés étaient enfin collectés en 1991. Pour la première fois, les deux sexes sont capturés par Lamboj, Martin, Reitmayer et Guggenbühl et sont importés (Lamboj : 1991). D'autres importations commerciales et scientifiques ont suivi en 1992 et 1993.
Cette espècea pu être maintenue en aquarium jusqu'à environ 1995, puis elle a de nouveau disparu. Trop peu d'aquariophiles sérieux se sont attachés à la conservation de cette espèce. A l'exception de la documentation sur certains exemplaires de l'espèce de la région occidentale du Ghana par U. Schliewen (com. pers.), il n'y eut plus, pendant les années suivantes, de renseignement supplémentaire sur Limbochromis robertsi en milieu naturel. En 2001 enfin, l'amateur passionné qu'est le Hollandais Hans van den Heusden réussissait de nouveau à collecter cette espèce aux mêmes endroits qu'en 1991 et 1993, et à importer avec succès quelques exemplaires. De ces collectes sont issues les premières reproductions, si bien que la maintenance de cette espèce est assurée pour l'instant.
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Limbochromis robertsi - Photo de Anton Lamboj.
Répartition naturelle et écologie
Au Ghana, Limbochromis robertsi ne pouvait être localisé que sur une petite surface dans l'ouest du pays, dans l'est du village de Kibi, au nord de la ville de Koforidua. Schliewen a aussi recueilli certains spécimens dans la région d'Akansa à l'ouest du pays. Cela, très loin des premières localités connues. Cet endroit, très éloigné des lieux d'origine, permet de supposer que Limbochromis robertsi pourrait aussi être présent dans d'autres endroits intermédiaires. En tout cas, la répartition de cette espèce n'est plus, avec la trouvaille de Schliewen, aussi extrême qu'initialement supposé.
A l'occasion des deux séjours dans l'habitat de Limbochromis robertsi au Ghana (février 1991 et février 193) où j'ai collecté cette espèce, j'ai pu observer les valeurs physicochimique suivantes de l'eau : conductivité 120 à 180 µS/cm, pH autour de 7.6 ; une température de l'eau d'environ 27 °C.
Le terrain sur lequel se trouvait le ruisseau d'environ cinq mètres de large (maximum), avait une pente d'environ 10 ° et était divisé par une quantité de cataractes et de cascades. Dans le lit du ruisseau, le substrat se composait principalement de roches primitives avec des dépôts d'un fin sédiment, du feuillage et des détritus. on pouvait aussi y trouver quelques parties à gué. Le cours d'eau était caractérisé par une présence continue de mégalithes.
Il n'y avait pas de plante supérieure (macrophyte) dans l'eau. Les rives étaient recouvertes par la végétation si bien que le cours d'eau était principalement en zone ombragée.
Limbochromis robertsine peut être trouvé que sur une section très limitée du ruisseau, sur environ un kilomètre de long. La restriction de la répartition vers le cours supérieur est clairement due aux cascades élévées. Pour ce qui est de l'absence de l'espèce dans le cours inférieur, rien ne pouvait être découvert de façon incontestable. Les explications suivantes n'ont qu'un caractère spéculatif : la pression exercée par d'autres espèces qui peuplent le cours inférieur, mais non présentes dans le cours moyen du ruisseau, et les changements dans plusieurs paramètres écologiques du cours inférieur, comme la vitesse du courant, le taux d'oxygène dissout, la température de l'eau, etc.
Les espèces suivantes étaient trouvées avec Limbochromis robertsi : Tilapia spec. aff busumana ; Hemichromis fasciatus (Peters, 1858) ; Barbus ablabes (Bleeker, 1863) ; Barbus walkeri (Boulenger, 1904) ; Epiplatys chaperi schreiberi (Berkenkamp, 1975) ; Amphilius atesuensis (Boulenger, 1904) ; Clarias sp. ; Aethiomastacembelus sp.
Certes, aucun examen intestinal des poisons fraîchement collectés n'a été entrepris, mais quelques observations peuvent livrer des indications sur l'alimentation de l'espèce. Ainsi, le milieu est assez pauvre en organismes benthiques, aussi bien en espèce qu'en individus (larves d'insectes, etc.), qui pourraient être utilisés pour l'alimentation. La nourriture exogène est peu abondante et aucune prise d'alimentation n'a pu être constatée à la surface de l'eau. Au contraire, une recherche de nourriture a pu être observée régulièrement lorsque les animaux plongeaient le tête, souvent jusqu'aux yeux, dans le substrat du ruisseau. Il était clairement reconnaissable, aux mouvements masticateurs que de la nourriture était prise. L'élément principal de la nourriture se compose probablement de micro-organismes.
Des spécimens, dès cinq centimètres de longueur totale, étaient seuls ou par paires. Dans un cas, un mâle faisait la navette entre deux territoires de femelles. Cependant, en raison d'observations trop courtes, davantage d'interprétations ne sont pas possibles. Mais les descripteurs (Thys van den Audenaerde et Loiselle : 1971) émettent la possibilité que L. robertsi pourrait être polygame. Une circonstance qui, jusqu'à maintenant, n'a cependant pas été prouvée, ni en aquarium, ni en milieu naturel. La zone centrale du territoire est toujours une cavité ou un abri similaire dans lequel les animaux se retirent régulièrement. Les juvéniles se trouvent, en milieu naturel, dans les espaces libres, parfois en petits groupes unis, et ne sont que modérément attaqués (ou pas du tout) par les adultes.
Description de l'espèce
Limbochromis robertsi en raison de sa taille, est clairement un Cichlidé nain. Les mâles arrivent à maturité vers environ dix centimètres, aussi bien en captivité qu'en milieu naturel. Les femelles, avec deux centimètres de moins, restent plus petites.
Le dimorphisme sexuel est à trouver dans la forme de la nageoire caudale, dont les extrémités supérieure et inférieure sont en pointe chez le mâle. De plus, le mâle a des points rouges sur les nageoires impaires, ainsi qu'une bordure sombre sur les écailles corporelles. Enfin, le museau et la gorge sont le plus souvent rougeâte et les rayons mous de nageoires ventrales, dorsale et anale sont distinctement plus étirés que chez les femelles. Celle-ci possèdent une coloration corporelle plutôt jaunâtre. La nageoire dorsale est dotée d'une bande chromatique et marginée d'un liseré rouge. Le bord supérieur de la nageoire caudale a une teinte similaire.
La nageoire caudale n'est pas ou faiblement fourchue, contrairement aux mâles. Toutes les nageoires impaires sont incolores ou faiblement jaunâtres sans marque mélanique. La région ventrale des femelles matures, prêtes à pondre, est rougeâtre. Chez les deux sexes, et selon l'intensité de l'humeur individuellement exprimée, une bande longitudinale sombre peut apparaître sous la nageoire dorsale et au milieu du corps. Ce patron est particulièrement marqué chez les subadultes, les spécimens non territoraux et chez les individus en reproduction. Les jeunes, après le stade de la nage libre, ont un patron clair-obscur et moucheté, typique des autres Cichlidés chromidotilapiines. Cette coloration passe plus tard vers le patron de bandes longitudinales, décrit plus haut, sur un fond gris bun. Enfin, à partir d'une taille de 4 cm, la différenciation sexuelle devient visible.
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Limbochromis robertsi - Photo de Anton Lamboj.
Maintenance et reproduction
Limbochromis robertsi peut parfaitement être qualifié de poisson problématique. En premier lieu, il est essentiel, selon les connaissances actuelles, d'offrir pour leur alimentation une nourriture riche en matière ballast. La nourriture adaptée sera en grande partie végétale, avec différents petits crustacés ou de petites larves d'insectes. Mais il faut aussi une dose adéquate. Un à deux jours de diète par semaine est totu a fait adapté ; une suralimentation est en tout cas ç éviter. La cohabitation aussi n'est possible que dans certaine limite. Ainsi, cette espèce ne devra en aucun cas être maintenue avec des espèces trop agressives et dominantes. L'exception est possible dans un bac de grande taille d'une longueur d'au moins deux mètres. Pour une maintenance dans de plus petits aquariums, la taille minimale est d'environ un mètre de long, mais aucune espèce de Cichlidé ne devra y cohabiter.
La raison de cette taille minimale d'un mètre est due à une sensibilité extrême au stress, totu au moins en captivité, et à une agressivité intraspécifique partiellement très élevée. Il est aussi nécessaire d'offrir suffisament de caches (cavernes, noix de coco, etc.) afin que chaque individu puisse se cacher de ses congénères, des dominants d'autres espèces, mais aussi de l'aquariophile : cela signifie qu'une bonne structuration du bac est obligatoire. Le substrat du bac est constitué d'une couche de sable fin. Ces cichlidés ont une nécessité marquée pour le sable lors de la préparation pour le frai et lors des soins aux larves. une bonne plantation est possible, mais recommandée uniquement avec des végétaux à fort enracinement.
Une filtration efficace doit créer un courant perceptible et des changements réguliers d'eau seront les conditions principales d'une maintenance et d'une reproduction couronnées de succès. Il est aussi recommandé d'installer une aération suffisante. Les autres indications sur la qualité de l'eau figurent dans la partie traitant du milieu naturel. Les territoires dans l'aquarium, sont habituellement formés en premier par les mâles. Des congénères adultes y sont tolérés uniquement s'il s'agit de femelles matures pour le frai ou prêtes à s'accoupler. Un territoire de mâle peut prendre une surface de 100 x 50 cm, ou plus si assez d'espace est offert. Les juvéniles ou les subadultes sont tolérés sous certaines conditions. Le déroulement de la pariade ne se distingue pas essentiellement des autres Cichlidés chromidotilapiines (Myerberg : 1965 ; Danthinne & Voss : 1972 a et b, Linke & Staeck : 1981) si bien qu'il n'est pas nécessaire d'insister dans ce domaine.
Dans tous les cas observés jusqu'à maintenant en captivité, les couples formés étaient monogames. A la fin des comportements de pariade, qui peuvent durer jusqu'à une semaine, la totalité de la ponte pourra comporter jusqu'à 120 oeufs ; elle est déposée dans une cavité. La surveillance incombe principalement à la femelle, alors que le mâle se charge en général de la défense du territoire. Après 65 à 80 heures d'incubation, les larves cassent le chorion.
Maintenant, débutent les particularité chez Limbochromis robertsi. Jusqu'à leur nage libre, les larves sont transférées de cuvette en cuvette creusées dans des cavités où elles sont déposées et surveillées ou parfois prises en bouche par la femelle. Les espaces temporels, dans lequel l'une des deux formes de soins est exécutée peuvent varier de quelques minutes jusqu'à plusieurs heures. Jusqu'à présent, les déclencheurs spécifiques, pour l'une des deux formes de soins, n'ont pas été établis. Ainsi par exemple, ce n'est pas du tout une approche de l'aquarium par le soigneur, la présence de prédateur ou la recherche de nourriture qui induisent la prise en bouche des larves dans la gueule de la femelle, ni un grand calme dans l'aquarium qui favorise le dépôt des larves dans une cuvette. Ce qui est sûr, c'est que Limbochromis robertsi peut être qualifié d'incubateur buccal et que ce comportmeent de nébute qu'à partir du moment où les larves sibt sorties du chorion. L'espèce pourra donc être qualifiée provisoirement par la formulation "d'incubateur buccal larvophile facultatif" pour désigner ce mode de reproduction. Et que ce comportement n'est pas seulement limité aux observations en aquarium. Il a été établi par un cas observé en milieu naturel, où une femelle a été vue gardant ses larves dans la gueule pendant trois heures.
Afin d'éviter toute spéculation, je voudrais insister sur le fait qu'il n'est pas possible, pour l'instant, d'émettre un avis concret, si cette espèce est à un stade intermédiaire entre la ponte sur substrat caché et l'incubation buccale ou si elle a developpé une lignée indépendante.
La représentation de ce comportement est à estimer exclusivement comme la description de l'état actuel ! Toutes hypothèses sortant de ce contexte sont purement spéculatives et nécessiteraient des travaux plus approfondis. Certes, des études ont été faites au début, cependant aucun résultat satifaisant n'a pu être trouvé pour émettre un résultat honnête.
Les larves sont gardées en bouche pendant une période d'environ huit à dix jours. Par la suite, les alevins ayant atteint la nage libre sont gardés par les deux parents encore pendant sixà huit semaines, et ici le schéma est analogue aux autres Cichlidés chromidotilapiines.
A l'intérieur de ce groupe, le comportement de soins à la descendance de Limbochromis robertsi peut être comparé, au mieux avec Benitochromis batesii (Boulenger, 1901) et avec une espèce de Chromidotilapia du Gabon où il s'agit aussi d'un incubateur buccal larvophile (Peters & Berns : 1982 ; Lamboj : 1986 ; Lamboj : 1998). L'alimentation des alevins est sans problèmes. Cependant, il devra être tenu compte des remarques générales sur l'alimentation, aussi bien sur la qualité que sur la quantité. La nourriture sera de préference vivante. Les artémias, cyclopes, ou des daphnies tamisés sont recommandés.
Après expiration des six à huit semaines de surveillance, la sollicitude des parents envers les alevins cesse. Les parents se préparent, habituellement à une nouvelle ponte. Normalement, les alevins de la couvée précédente sont modérément tolérés par leurs parents, mais dans un très grand bac, ils ne sont pas chassés.
Texte et photos : Anton Lamboj ( Die Cichliden des westlichen Africas)
Traduction : Robert Allgayer (AFC 0002.67)
Texte paru dans la R.F.C. n°233.
