Mâle Cyphotilapia frontosa "Kigoma" - Photo de Raphaël Lang.



"Cyphotilapia frontosa : Le Bossu Sympa du Tanganyika"


C’est lui qui m’a fait plonger dans le Tanganyika... Après plus ou moins dix années d’une aquariophilie un peu fourre-tout, apparaissait avec de plus en plus souvent d’insistance l’image d’un (gros) poisson, bossu, et drapé de bleu et de blanc. Là, j’ai commencé à lire tout ce que je pouvais dénicher sur celui qui, scientifiquement, s’appelait Cyphotilapia frontosa.

Premier “hic”: je n’avais qu’un "100 litres" à l’époque ; trop rikiki pour un balèse de 30 centimètres! Donc, je décide de me faire la main avec quelques pondeurs sur substrat caché, en attendant une demeure plus adéquate à l’accueil de ces bossus du Tanganyika. Ce qui ne tarda pas...

Voilà, pour la préhistoire. C’était il y a dix ans. Depuis, j’ai toujours eu des “frontos”... Et, le jour où mon vieux mâle - un “Kigoma” de plus ou moins 12 ans, mon premier Cypho - est allé rejoindre le paradis des poissons, je n’ai pas honte d’avouer que j’en fut tourneboulé...

Aujourd’hui, “Kigoma” et “Burundi” peuplent ma fish-room. Le dernier “jeune” couple de “blue Zaïre” poursuit sa croissance chez Michel Franck. Dix ans de maintenance du bossu et donc, quelques enseignements que je vous livre là, tout crus. Attention toutefois, pas de généralités, ce qui suit s’est passé chez moi, et peut-être nulle part ailleurs...




Mâles Cyphotilapia frontosa "Kigoma" - Photos de Raphaël Lang.

Sept bandes, jaune et élancé. Vite dit, voilà caractérisée la race de “Kigoma” (Tanzanie). C’est celle que je préfère. Pourquoi? Sans doute parce que mon premier couple fut un “7 bandes”. Un couple sauvage, que j’ai dû nourrir à la main pendant plus de 15 jours; y’a pas à dire, ça crée des liens!

Ce mâle et cette femelle - rapidement baptisés Prosper et Prospérine (on ne rit pas au dernier rang...) ! - ont accompagné tous mes pas de Tanganyikophile, jusqu’il y a un an et demi... Prosper fut emporté par des attaques bactériennes à répétition, à l’âge respectable de 12 ans (en captivité, il était déjà adulte lorsque le commerçant à qui je l’ai acheté l’a importé des eaux tanzaniennes). En six mois, sa femelle s’est laissée mourir...

Chouchou le “Kigoma”? Certainement aussi parce qu’il arbore 7 bandes et que toutes les autres races n’en possèdent “que” six; parce que sa nageoire dorsale est légèrement teintée de jaune; parce que sa forme est plus élancée que ses collègues; parce que... Ils sont quatre aujourd’hui à s’ébattre dans un 600 litres; leurs voisins, monsieur et madame “Burundi” s’ébattent dans 450 litres d’eau où ils vivent et se reproduisent depuis 6 ans. Auparavant je possédais aussi des “blue Zaïre”, lesquels ont fait les frais cumulés de la crise du logement bien connue de tous, mais aussi de la prédation d’un vieil Altolamprologus, finalement pas si rachitique que ça !

Tanzanie, Burundi, Zaïre (euh... Congo). Ce qui me conduit à m’essayer ici à une tentative d’essai comparatif entre ces trois races de Cyphotilapia frontosa.



Comparaison comportementale :


La timidité relative du “fronto”

Un “fronto” n’est pas un Tropheus et les parades en pleine eau ne font pas partie de ses distractions préférées. Chez moi, le plus timide est clairement le “Burundi”. Le mâle dans sa grotte à gauche et la femelle sous le promontoir opposé. Seul “monsieur” se promène quelque fois à travers le bac, en matinée, avant que l’éclairage ne se fasse jour. Pour le reste, c’est chacun chez soi, calme et sérénité? Ca dure depuis six ans et pourtant, les bébés sortent de la bouche maternelle tous les trois mois environ. Le plus téméraire est par contre le “blue Zaïre”. Sans doute une caractéristique des races bleues à en croire d’autres récits. Les miens paradaient régulièrement devant la glace frontale et n’hésitaient pas à éjecter de leur antre un Neolamprologus leleupi, le même qui fut parfaitement accepté quelques mois plus tard par le gros mâle “Burundi” du bac d’â-côté. Allez comprendre... Quant aux “Kigoma”, si ils demeurent timides en couple, le fait de vivre en groupe les transforme totalement car, hormis quelques courses-poursuite sans conséquence, toutes les activités se déroulent en... groupe. Il est toutefois clair qu’une hiérarchie s’est établie entre les individus mais, chacun respectant son rang, les choses se passent pour le mieux dans le meilleur des mondes aquatiques.


Cyphos + Xenos et/ou Cypris = cohabitation (d)étonnante

A en croire mes nombreuses lectures sur le bossu du Tanganyika, le problème du voisinage est loin de faire l’unanimité. Donc, voici ce qu’il se passe dans mes bacs depuis dix ans.

Depuis une décennie que j’héberge des “Kigoma”, jamais un ne m’a croqué un Cyprichromis (dont les Cyphos se nourrissent pourtant dans le lac), même pas les jeunes qui grandissaient dans le même aquarium. Ce qui n’est pas le cas des “Burundi” et des “blue Zaïre”: ceux-là paraissent en effet nettement plus... “piscivores”.

Monsieur “Burundi” a en effet sur la conscience quelques Cypris ainsi qu’un superbe trio de Xenotilapia ochrogenys. Même désastre avec les “blue Zaïre”... Quinze jours de vacances (et donc, un jeûne prolongé) ont suffit pour décimer une colonie de Paracyprichromis et terroriser quelques Telmatochromis conchylicoles ! Ce sont aussi les “blue Zaïre” qui ont le mieux supporté la cohabitation avec des Tropheus, alors que l’expérience fut désastreuse tant pour les “Kigoma” (constamment planqués sous les dalles de schistes) que pour les “Burundi”, lesquels avaient même entamé une grève de la faim... Faut dire qu’il y avait aussi un trio particulièrement remuant de Ctenochromis horei (si, si!) dans le bac.

Désormais, “Kigoma” et “Burundi” semblent couler des jours heureux. Les premiers dans un “2 mètres” en compagnie d’une bande de Cyathopharynx furcifer, de Cypris, d’un leleupi et d’un couple de Julidos. Les seconds dans 450 litres qu’ils partagent avec des Haplotaxodon microlepis, un couple d’Altolamprologus calvus et une autre paire de Julidochromis regani. Ce bac est particulier de par le fait qu’il est uniquement peuplé d’individus sauvages... Situé dans le coin le plus reculé de ma fish-room, il est seulement éclairé par un tube bleu, qui lui confère une ambiance abyssale très reposante.


Y’a quoi au menu ?

Dernier point qui peut parfois poser problème avec les "frontos" : la nourriture. A titre indicatif, les miens se délectent de moules et de krill ainsi que de granulés Aqualim, de paillettes végétales et de chips à la spiruline. Et donc, parfois, quelques Cypris et autres Xenos.

Sauf pour le “Kigoma”, qui est vraiment le Cyphos parfait...



Texte : Rudy pirquet (AFC 1084.BEL)
Photos : Raphaël Lang